Destination : 16 , Verlaine en filigrane


Vulcania

Le soleil avait disparu tout entier derrière la colline. On aurait pu

penser que la brume de la rivière allait monter et que la maison en serait

rafraîchie. Mais non. Une torpeur insidieuse se glissa entre les volets, peu

à peu elle envahit chaque pièce. Léonce repoussa sa femme et suffocant,

annonça qu'il descendait vers la rivière, qu'on ne l'attende pas.



La famille restait figée autour de la table, sans un mot.

Quelques minutes passèrent, puis la voix de Bernadette, l'épouse du fils

cadet s'éleva: "Si cela n'ennuie personne, puis-je aller coucher Maxence?"



Blême entre ses bandeaux, Charlotte regarda autour d'elle et, comme personne

ne bronchait, elle fit un signe de la main qui pouvait passer pour une

autorisation. Bernadette souleva Maxence de sa chaise et l'emporta.



Quand elle arriva avec l'enfant au 1er étage, elle fut saisie d'une

impression étrange. Elle se pencha à la fenêtre, il faisait de plus en plus

chaud, pas un bruit ne venait de l'extérieur .



Quand même un tintement aigrelet retentit. "Finalement, j'aime bien que

cette vieille horloge sonne. Ça met un peu de vie!" se dit-elle. "Allez,

Maxence, au lit, c'est l'heure."

L'enfant la regardaitavec inquiétude.



Soudain, elle prit conscience que la pendule avait sonné treize coups. Elle

attendit la deuxième série de coups.

"Oui, treize coups, elle est détraquée, c'est sûr. Bizarre, personne n'a

bougé en bas. Je me souviens pourtant que la seule fois où elle avait pris

quelques minutes d'avance, ils ont failli en venir aux mains, Léonce

accusant Frédéric d'y avoir touché, Charlotte soupçonnant la

bonne,...bizarre... ".



Elle avait couché Maxence lorsqu'elle entendit une sorte de grondement

lointain. Elle ferma la porte de la chambre de l'enfant et ouvrit la fenêtre

du couloir. Au loin la chaîne des puys se devinait sur le ciel pourpre.



"Il y a des jours et des jours que Philippe et moi n'avons pas quitté cette

maison, pourtant, il y a tant de belles promenades sur les puys...Ces

volcans anciens, je les connais si mal, je ne suis pas de la région, moi."

Le grondement s¹amplifiait.

Elle leva les yeux "Pas un nuage, pas un éclair. Il vient d'où ce bruit, je

ne comprends pas".



Maxence l'appelait. Elle retourna dans la chambre "Ne pleure pas, mon bébé,

tu as trop chaud?".

Elle le sortit du petit lit et l'emmena près de la fenêtre du couloir restée

ouverte.

Des aigrettes de feu surmontaient les volcans. Elle aperçut la lave qui

débordait et dévalait les pentes.

"Ça devait arriver" pensa-t-elle. "A force de les embêter!



Aim�e