Destination : 8 , Narcisses !


Réunion de famille

Ils voulaient que je les réunissent tous, comme autrefois , je les ai
bien sûr accueillis, logés, j'ai préparé les plats que chacun d'eux
aimait, j'ai souri malgré la fatigue, malgré la place vide de
l'absent, c'était mon rôle d'ainée, il fallait assumer.

Je sortais de la cuisine, un plateau chargé à la main, j'étais sur le
point de pousser la porte du salon où ils étaient en pleine
conversation quand, les entendant prononcer mon nom, j'ai arrèté mon
mouvement.
J'ai posé mon plateau sur la table de l'entrée et j'ai écouté la suite,
non que j'avais l'habitude d'écouter aux portes mais j'estimais que
ce jour-là, cela se justifiait.

Ainsi, ils faisaient mon procès, sans craindre que je puisse surgir à
l'improviste ou peut-être ne faisaient-ils que discuter et se
remèmorer certains faits, sans arrière pensée: ce que je souhaitais.
Je voudrais tant ne pas leur en vouloir après avoir écouté:

-Comme on est bien dans cette maison, c'est si douillet qu'on se
dirait chez nous quand maman nous réunissait autour d'elle, la veille
des fêtes.
-Je n'aurais jamais cru Lella capable de règir une maison, d'être une
fameuse femme d'intérieur.
-Elle a toujours été plus attirée par les études que par la cuisine,
quant au ménage, n'en parlons pas.
- Tu te trompes, elle faisait tout si tôt qu'on ne s'apercevait même
pas que c'était elle qui aidait , elle prenait soin de fermer les
portes derrière elle pour ne pas faire de bruit.
-Moi, je me souviens quand elle se levait la nuit dés qu'elle entendait
quelqu'un appeller maman, elle était la première à sauter de son lit
pour voir qui avait besoin de son aide.
-C'était son caractère que je n'aimais pas, on dirait que nos jeux ne
l'intèressaient pas ou qu'elle était différente, plus intellectuelle
peut-être, toujours un livre à la main.
-C'était frustrant quand je voulais lui montrer mes dessins ou lui lire
mes poêmes, elle m'écoutait d'une oreille distraite, comme obligée de
le faire, elle a fini par me décourager.
-Je la trouvais rancunière, une remarque et la voilà qui faisait la
tête pendant des jours.
-Il paraît qu'elle boude encore comme une enfant!
-Je me suis souvent demandée d'où lui venait sa timidité, elle
rougissait pour un rien et à présent.....
-Elle était raisonnable faisant toujours la part des choses.
-Tu trouves qu'elle ne l'est plus?
-Je ne sais pas, il y a quelque chose en elle qui a changé et ça
m'intrigue, je n'arrive pas à mettre le doigt dessus.
-Comme si elle voulait vivre une autre vie.
-A cet âge, elle a tort!
-Justement c'est parcequ'elle a cet âge qu'elle craint de partir sans
s'être accomplie, du moins c'est ce que je pense.
- Moi aussi, je ne la reconnais plus, on dirait qu'une autre s'est
frayée un passage dans la fèlure de sa coquille, une autre, impulsive
et passionnée.
-Laquelle tu préfères?
-L'essentiel est qu'elle soit heureuse, épanouie.
-Elle m'a donné cette impression.


J'ai poussé un " ouf " de soulagement, ils étaient tout juste
intrigués par mon changement, rien de bien méchant, je les comprends.
Et puis, ils n'ont dit que des vérités, je suis comme ça, je n'y peux
rien.
J'ai repris mon plateau, et je les ai rejoints dans le salon comme si
je venais de la cuisine, heureuse de les retrouver autour d'un café,
comme il y a longtemps chez mez parents.

Ameline