Destination : 17 , Le journal d'Ateliériste jones


Revanche (bis)

Ceci sera la dernière page de mon journal.


Par la force des choses.

Dernière année du millénaire, premier jour de printemps.

Probableultime jour de ma vie. Présents : Mathilde et moi. Présents pressentis à la fin de la page : Mathilde. Circonstances funestes ayant conduit à cette facheuse situation : découverte par Mathilde de mes carnets intimes sur l'étagère du garage, derrière les bidons d'huile de vidange.

Aveux circonstanciés consentis sous la contrainte d'un épluche-légumes sur ma carotide.





Certainement,chérie, dans l'ordre chronologique, ce sera plus simple, bibiche.



Pfff... 83, tu dis ? Août 83? Laura ? Istanbul ? Derrière le petit mausolée dans les jardins de Topkapi ? Le parfum des orangers et la jupe relevée ? Mmm ... Je ne vois pas ... AH, à moins que ...

Verte la jupe ? Et courte, très courte ? Peut-être, c'est possible ..



88. 25 septembre 88. Notre anniversaire de mariage. Laura. La cabane du jardin. Si, si, là je me rappelle bien. Le punch, trésor, c'était le punch. Rappelle-toi, on n'était pas d'accord. Je t'avais dit que deux litres de rhum suffiraient amplement, mais tu as insisté, avec ta manie de toujours en faire trop. J'ai cédé, et du coup, le punch était trop fort. Beaucoup trop fort. Le punch, canard. C'était le punch.



88. 26 septembre. Laura. La salle de bains. Mais bien évidemment...

C'était obligé... Ils sont venus finir les restes de la fête, et dans la foulée, on a fini le punch. Il avait macéré toute la nuit. C'était pire que la veille. Enfin, je dis pire ... Aïe ...

Passons, tout cela n'est qu'une histoire de proportions ...



90. 8 novembre. Laura ... Megève ? J'ai pas aimé, Megève. Et toi ? On n'ira plus. Surfait et beaucoup trop snob. Non, non,non, de l'authentique, rien que de l'authentique. Tous ces immeubles, la promiscuité dans les appartements étriqués, cette foule, les corps pressés les uns contre les autres dans les files d'attente ( bon celui de Laura, d'accord, mais ça aurait pu être n'importe quel corps, mamour. Tu ne vas tout de même pas me rendre responsable de l'engouement des Français pour les sports de glisse.)

93. La Barbade. La plage des Goyaves ... Euh ... Laura, peut-être?

Le coup de chaleur que j'ai pris ce jour-là! Limite insolation.

Si, si, la crème apaisante m'a fait beaucoup de bien. Je comprends que tu lui en veuilles à Laura, mais tu dois bien reconnaître qu'elle en connaît un bout sur les gestes d'urgence ... Sans sa crème, on était mal, chérie, très mal. Les vacances se seraient terminées à l'hôpital, ça ne fait pas un pli.



N'appuie pas si fort, trésor, ça fait mal.



97. Dernière quinzaine de juillet. La Bourboule. Toi, moi, Laura et les enfants. Alors, là, mon sucre, je ne suis pas d'accord. Tu es fondamentalement injuste. Est-ce que tu te rappelles seulement dans quel état tu étais ? La petite venait de naître ...

Physiquement, tu n'étais pas au top, pas vrai ? Deux grossesses coup sur coup, ça vous saccage un corps; Mais le pire, c'était le psychique. Mon Dieu!

Quel calvaire! Tu pleurais tout le temps! Grosse, bouffie ( la rétention d'eau), amorphe, sans entrain, triste, mais triste ... Vas-y, dis-moi comment on aurait fait sans Laura ... Avoue qu'elle s'est bien occupée de nous, pendant que toi tu te requinquais à ta petite cure thermale ... Sois honnête, ça t'a permis de remonter la pente...

Seul, je ne suis pas sûr que j'aurais pu tout assumer. On a connu de beaux jours après ça, alors que je ne donnais pas cher de notre couple à l'époque.

Non, je ne te demande pas de la remercier, mais tout au moins, ne l'accable pas.



Hier. 15 heures. Laura et sa petite jupe vert pomme qu'elle a ressorti du fond de son placard. C'est fou, la mode. On dit que c'est un éternel recommencement, et ce n'est pas faux. Ce qui me scie, c'est qu'en 17 ans, elle n'a pas pris un gramme. Ses jambes sont toujours aussi fuselées. Tu devrais lui demander son truc ... La gym, peut-être. Ca ne te dis rien la gym ? Tu devrais essayer. Et bronzées avec ça, toute l'année, des jambes hâlées, douces comme des bas de soie. Elle ne met que ça, des bas de soie. Elle dit que c'est mieux que le nylon. C'est vrai, ça ? Ah! Tu n'as jamais mis de bas de soie ? Jamais de bas non plus ? Mais,ma caille, plus personne ne met de collants ... Out les collants ! Je ne connais pas un homme qui fantasme sur les collants. Sûr, c'est ton droit de préférer les collants, mais ne viens pas pleurer après ...

Aïe ... Là, trésor, ça fait franchement mal. Même que ça saigne ...

Fais gaffe, le sang sur mon col, tu vas avoir un mal de chien à le ravoir.

Anna