Destination : 19 , De la suite dans les idées


Bijou...

Bijou
Les mains de la mère trient les petits pois verts et acides sous l’eau glacée

qui coule doucement dans l’évier. Elle a retiré ses bijoux. Parfois elle

croque un grain à l’acre saveur et c’est comme de goûter le jardin lui-même à

l’heure de l’aube.



Caillou

Elle écarte avec patience les cailloux. Dehors l’air est si chaud qu’il

tremble sur la pelouse. Les enfants vont rentrer en sueur de leurs jeux du

matin. La maison est silencieuse et tranquille autour d’elle. Chaque chose est

à sa place. Le soleil par la fenêtre fait danser les particules de poussière

dans un rayon de lumière qui sabre le coin obscur près du vaisselier.



Chou

Soudain un rire comme un grelot. Elle relève la tête et ses mains interrompent

leur tâche machinale. Elle écoute la musique parfaite du babil de son bébé. Il

s’est réveillé, il joue dans son berceau. A lui aussi le soleil est venu

montrer les fées de lumière dansantes. Il agite ses mains parfaites et

minuscules, ses doigts aux ongles comme des coquillages. Elle va le rejoindre,

ils se regardent et se sourient du bonheur de se retrouver. Elle le prend dans

ses bras, il est rond et plein. Les bébés naissent dans les choux dit-on, ils

sont comme eux denses et lourds de promesses.



Genou

Elle l’emmène avec elle. Il sert contre lui son lapin aux grandes oreilles

usées d’amour passionné. Dans la cuisine il marche en se dandinant, s’assoit,

repart, court vers ses cubes multicolores et va construire la plus haute tour

jamais construite, qui s’écroule avec fracas dans l’éclat de son rire. A genou

à coté de lui elle participe à la dégringolade pour entendre encore et encore

ce rire inlassable. Ils peuvent jouer à la chute de la tour pendant des heures

sans s’ennuyer jamais.



Hibou

Tout à coup un tourbillon envahit la cuisine. Les enfants sont rentrés, ils

veulent embrasser leur mère, lui dire chacun le particulier de leur promenade.

L’un a trouvé une grotte, sûrement un ours énorme y habite mais là il n’était

pas là heureusement parce que sinon on aurait eu peur hein maman, l’autre a

trouvé des fougères déjà roussies et va les mettre dans son herbier n’est ce

pas qu’elles sont jolies regarde regarde, et le troisième a vu un nid de

hibou, mais sans le hibou alors que normalement et bien il aurait dû être là

puisqu’ils dorment le jour c’est papa qui l’a dit. Le père à la porte écoute

en souriant et voudrait pouvoir lui dire qu’il a retrouvé la couleur exacte de

ses yeux quand elle les regarde dans celle d’une feuille traversée par les

rayons du soleil.



Joujou

Le tourbillon repart comme il est entré, emportant avec lui le petit dernier.

Sans fatigue les voilà partis vers le grenier, caverne d’ali baba dans

laquelle s’entassent les joujoux, des coffres aux mille merveilles et de

vieilles armoires vides et poussiéreuses qui se transforment au gré de leurs

envies en trois mâts voguant sur les mers du sud, île déserte au trésor

secret, palais de prince arabe, tente bédouine au creux des dunes, cache de

pirate cruel et mirifique, prison secrète pour la princesse aux longs cheveux

d’or, salon de lecture pour les jours de pluie et abri pour les jours de

chagrin …



Pou

Dans la cuisine ils se regardent sans parler. Leurs yeux se sourient. Ils

écoutent la cavalcade dans l’escalier, puis le silence trompeur du jeu qui

s’installe. Il raconte alors la promenade du matin et le bonheur qu’il a à les

regarder découvrir chaque chose avec passion. La sonnerie du compte minute

leur rappelle que l’heure du déjeuner a sonnée et que les petits pois sont

cuits. « Allez les p’tits poux, on mange » appelle t il dans l’escalier, qui

se met à retentir du chocs de leurs pieds, pressés de venir se glisser sous la

table

Anne-Sophie