Destination : 29 , Rimbaud en carte postale.
Sous le soleil africain
Mondes parallèles. 
  
Mon île à la douceur d'un nuage, la fraîcheur de la rosée, la chaleur des 
boutons de rose rouge printaniers. Elle est baignée par la lueur du soleil 
s'élevant, au matin, des immenses étendues de prairies verdoyantes, et sombrant, 
le soir, dans l'abîme magique du miroir océanique. La couleur si pure des 
fleurs  de merisiers bordant les chemins, leur odeur douce et légère s'élevant 
dans  l'atmosphère de cet Eden enivrent ma vie. 
  
Au bas du sentier, dans le lit où se lève le jour, un joyeux harem d'équidé 
goûte à la liberté entre deux entraînements. Heureuse, enjouée, la jument 
suitée  gambade avec grâce, semblant galoper au dessus du sol, en un ultime vol 
d'allégresse. L'étalon se tient, méfiant au froissement des feuilles fragiles 
sous mes pas, l'encolure dressée, les oreilles dirigées vers moi, vers 
l'avant,  toujours. Ses muscles d'athlète, mis en valeur par sa robe d'ébène, luisent 
à la  lumière orangée. Il m'a reconnu, s'approche, assuré, l'air altier, 
hennit  doucement et renifle mes cheveux avant de poser délicatemetn ses tièdes 
naseaux  de velour dans mon cou. Je l'aime, mon cheval. Je l'aime, Amiral. 
  
Ce soir, une nouvelle représentation au théâtre de la ville. Ici s'écoulent 
mes dernières minutes de sérénité, avant de connaître l'angoisse stimulante 
des  planches, les battements effréné d'un coeur laissant place à un autre, le 
regard  hypnotisé, dans l'obscurité des coulisses, par la lumière de la scène 
apperçue  entre deux rideaux. C'est ici que le comédien meurt, c'est ici que la 
comédie  vit: sur un plancher craquelant. Jouer, interpréter un personnage 
fonctionne  ainsi: un don au détriment de soi, un oubli de sa personne, une 
offrande de la  vie et la mort à l'amagination. 
  
Voici mes deux mondes, mes deux îles, les deux seuls lieux où je me sens 
vivre, revivre: leur pré et ma scène. Pourquoi? Parce qu'ici j'existe et là bas 
pas; parce que cela me motive alors que le reste me lasse; parce qu'en 
société,  on baigne dans la foule on n'y vit pas. Retour aux sources, aux origines, 
retour  à moi. 

