Destination : 97 , Coupable ?


Pour une journée de chien ?

« Allons amis de nos chenils,
Le jour d’aboire est arrivé,… hic !
Contre nous de la tyrannie,
L’os à moelle vers nous est levé
L’os à moelle vers nous est levé,
Entendez-vous sur notre toile
Rugir ces féroces soldats ?
Ils viennent jusque sur nos pas
Lécher nos chevilles et nos compagnes
Au laisse, citoyens,
Levez haut le bâton,
Traquons, traquons ce cabotin
Qui lâche ses crottins, tin, tin, tin ! »

Citoyen, citoyenne, c’est en défenseur de notre liberté de marcher sur le trottoir d’en face que je m’adresse d’abord à vous. Vous aussi, vous en avez assez de devoir aller jusque sur le paillasson de la voisine essuyer vos bottines avant de rentrer chez vous. Vous, aussi, vous en avez assez de jeter vos précieuses charentaises made in china sur cet animal à poil dans la rue, qui hurle en pleine nuit sous votre fenêtre à l’heure où votre Germain ou votre Huguette ronfle sereinement à vos côtés. Vous aussi !
Pourtant, c’est à l’écoute de mon client que j’ai pris conscience du problème. En effet, ce chien, que vous voyez là, qui fait le beau pour vous satisfaire. – D’ailleurs, remarquez l’expression « Faire le beau » pour désigner cette acrobatie stupide sur les pattes arrières, imitant par là, son maître… l’homme tout simplement. Notez le narcissisme humain que nous avons développé sans aucuns remords. Aïe ! Pas toi, reste tranquille, cabot !
Ce chien, donc, sous son cabotinage, m’a expliqué clairement les raisons de sa détresse.
- « OUaff, ouaff, ouaff »
En effet ; vous comprendrez aisément quand je vous l’aurai expliqué.
Côtoyant quotidiennement l’être humain, il se rend compte de l’attachement que nous lui portons et pourtant ! Et pourtant, Mesdames et Messieurs, que lui consacrons-nous, à part une caresse par ci par là ? Deux, trois roustes les jours de mauvais temps pour ne pas avoir demandé de sortir à temps alors que nous étions plongés dans le plus culturel des programmes du samedi soir, chantonnant en karaoké ? Mon client m’a mis la puce à l’oreille. Apprenons, chers citoyens, apprenons à le connaître. Moi qui ne suis ni sainte ni touche, j’ai passé une journée avec lui. Ce qui m’a donné une idée.
Admirez, tout d’abord, son regard docile et intelligent. Caressez son poil sublime et soyeux ! Allez-y, Madame, caressez ! Euh, doucement, doucement Madame, vous l’excitez. Arrêtez, il va vous mordre, mais arrêtez, voyons !
Regardez ses crocs acérés, sentez son haleine florale ! Admirez sa queue remuant dans tous les sens, comme maintenant. Cessez, Madame, je vous prie, vous gênez ma plaidoirie.
A cet ami fidèle, que lui consacrons-nous ? Rien.
Aussi, je propose la journée du chien. Et par extension celle de tous les animaux. Vous riez, Monsieur ? Vous vous moquez ! Profitez, car « le rire n’est jamais gratuit. L’homme donne à pleurer mais prête à rire » (1). Aujourd’hui, c’est jour de prêt.
Riez-vous de la journée du chocolat, Monsieur ? Ne connaissez-vous pas Pâques ? Riez-vous de la fête des bonbons ? De la fête des colliers de nouilles ?
Pensez également, plus sérieusement, comme avec toutes ses fêtes, à la manière de relancer l’économie par l’achat non seulement d’animaux, mais aussi de nourriture, de jouets, de petits manteaux et de sussucre à sa mèmère !
A la fête des animaux, nous emmènerions nos petits citadins dans les fermes rencontrer les vaches, les chèvres, et le poulailler. Ou dans un aquarium, admirer les requins et les piranhas ! Non, on ne les mettra pas dans l’eau, Madame ; vous devez ramener votre enfant à la maison. Nous ferons un règlement à ce propos. Greffier, notez, je vous prie. Greffier, cessez de lécher vos bobines, écrivez !
Mesdames, Messieurs, pourquoi ne pas éradiquer de leur imagination ces dessins de poissons carrés version Findus ?
Pourquoi ne pas leur donner l’envie de devenir agriculteur ou pêcheur plutôt que rmiste ou assediqueur ?
La fête des animaux, c’est une nouvelle économie.
Quand la placer dans le calendrier ?
Très bonne question ! Le calendrier républicain est lui toujours en révolution.
En janvier, il y a déjà la fête de la pâte d’amande.
Février, c’est les crêpes.
Mars devrait aller.
Car en avril, nous avons le chocolat.
En mai, le muguet ;
En juin, le collier de nouilles, plus le cendrier en papier mâché.
En juillet, les pompiers et pétards en tout genre.
Août me semble un mois intéressant également. Cela éviteraient à certains animaux l’A6, l’A4, ou l’Abattoir.
En septembre, nous avons la fête des vêtements, chaussures, cahiers et cartables. Assez bon mois. Ah, la vache, c’est bien septembre !
Octobre, nous avons bonbons et déguisements.
En Novembre, les fleurs en plastique.
En décembre ? Très bon mois, décembre ! Mais déjà trop chargé à mon avis : Fête des jouets, des bijoux, des appareils électroniques, des portables, des ordinateurs, des voyages, des bons petits plats, du vin et du champagne. Notons également la tendance de ce mois à équarrir les animaux pour la bonne bouffe. Nom d’un chien, décembre n’est pas le mois des animaux ! Il n’y a pas de quoi rire, Madame, nous ne sommes pas en décembre.

A noter, que ce jour de fête des bêtes ne doit pas être loué à la manière dont nous célébrons la fête du 1er mai. On DEVRA s’occuper des animaux. La fête du travail est l’exception qui confirme la règle.
Mesdames, Messieurs, citoyen, citoyenne, cessez de me regarder en chien de faïence, s’il vous plait. Décidez du sort de ce canidé, donnons-lui une place dans notre calendrier à côté de Pélagie ou de Transfiguration et de Casimir !
Je vous remercie de m’avoir écouter, japper peur que vous ne me preniez pas au sérieux.
Merci


(1) Desproges

Cathy-Laure