Destination : 24 , Hommage à M. Merle


La mouche et l'arignée

- Voyez-vous, c’est l’aventure d’un groupe de personnes à la campagne qui

par hasard dans une cave, sont survivants d’une catastrophe dont ils

ignorent tout. Ils sortent de la cave et la civilisation s’est effondrée. On

ne sait rien de ce qu’il se passe plus loin, pourquoi est-ce arrivé ?

Comment ? … BOUM !!! Et les voilà plongés dans le quotidien des survivants,

où le concret est sans cesse présent.



- Alors ça, mon cher, c’est déjà arrivé, figure-toi, il y a très très

longtemps. Une poignée de pauvres bougres s’est retrouvée seul au monde.

BOUM !!! Et voilà qu’au Nord la grande forêt a disparue. La terre noire

s’entrouvre sur la gueule béante d’un abîme insondable, au sud la petite

source crache son eau boueuse dans un gouffre infini, à l’Est les fumées

sales paressent langoureusement sur le sol défoncé, dissimulant un trou

abyssal. Vers l’Ouest, dans un ciel sale courent de gros nuages noirs. Ils

semblent fuir de terrifiantes visions.

Au milieu d’une vaste plaine ruisselante et gorgée de boue, une seule maison

reste debout. La communauté survivante se regroupe, se réconforte,

s’inquiète. Que s’est-il passé ? Cela va-t-il recommencer ? Va-t-on avoir

des secours ? Quand vont-ils venir?Que vont-ils devenir sur une terre

désolée ? On se serre, on se réchauffe. Il va falloir maintenir le feu

flageolant de la grande cheminée, mais aura-t-on assez de bois ? Les brumes

vont-elles se dissiper, le soleil va-t-il revenir ? Peu de choses

comestibles dans la vieille bâtisse, peu de réserves, comment va-t-on

survivre ? L’angoisse s’installe confortablement. Le vieux de la tribu

repense à ses grands arbres défunts. Leurs gros troncs de bois noueux

supportaient les bras multiples des branches feuillues qui envoyaient leurs

suppliques vers un ciel bleu. La vie était là, partout !

- « Si on peut pas semer, on va crever ! » Marmonne-t-il, « Ah ! Bon sang,

celui qui pourra nous aider sera toujours le bienvenu à la table des hommes

! »

Puis le vent reprend la parole. Dehors, dans la vapeur des miasmes qui

s’incrustent, nichée au creux d’un rocher, une minuscule fleur apparaît

craintivement dans la fange et dans le froid.

La pauvre petite chose se débat dans la bourrasque, elle plie et se courbe

sous chaque coup de boutoir de l’ouragan, mais elle résiste. Une abeille

s’approche. Elle est partie longtemps explorer les alentours. Elle revient

s’abriter sous les pétales bleutés de l’espérance. Une mouche et une

araignée s’y cramponnent déjà. La courageuse apiaire raconte le vide, la

désertification, la peur et le désespoir des humains. Elle parle aussi

d’espoir car elle une idée.

L’araignée quitte alors la corolle. Elle part, bravant la tempête. Elle

marche longtemps, ses pattes la font souffrir. Elle se croie perdue et

désespère mais elle arrive enfin au bord de la crevasse du sud. L’abeille

est venue la rejoindre pour l’aider. L’ épeire déroule son fil de soie dans

le sombre précipice. La descente est interminable pour déboucher dans une

cavité où repose un gros sac de grains, éventré par sa chute, mais encore

bien rempli vers le fond. La difficile remontée commence. Les deux insectes

mettent plusieurs jours avant d’arriver épuisés sur bord du trou. Apicula et

Arachné hissent avec difficulté le sac de blé. Hélas, terrassées par la

fatigue, elles s’effondrent.

La mouche arrive alors. Sans scrupule, elle s’empare du sac et termine sans

effort ni mérite le long périple de ses congénères plongées dans un profond

sommeil.

L’humanité n’a pas disparue. Les araignées aujourd'hui tissent de

magnifiques toiles pour capturer les traîtres ailées, car ce sont bien sur

les mouches qui viennent sur la table des humains user du droit qu’elles ont

usurpé.

Corinne