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Les Giovannali

/// Extérieur jour ///

+++ En fond musical : " I Ghjuvannali" du groupe corse Canta U Populu Corsu +++

/// Nous survolons l'Alta Rocca, région du sud de la Corse, où se dressent les aiguilles roses et bleues du massif de Bavella. La nature est splendide et sauvage ///

/// Plongée sur un petit village perdu au milieu de cette splendeur///

/// Arrêt sur image sur le panneau d'entrée d'agglomération : Carbini ///

/// Contre-plongée sur l'église pisane de Carbini, singulière avec sa nef unique , flanquée d'un campanile isolé situé à quelques mètres d'elle ///

/// Zoom avant sur la porte de l'église ///

/// La porte de l'église s'ouvre et une jeune femme en sort, s'adressant à la caméra ///

― Bonjour. Je suis Livia et , aujourd'hui, je vous invite à Carbini, minuscule village perdu dans les montagnes de la Corse du sud mais qui fut un haut-lieu de la confrérie des Giovannali. Je suis dans l'église romane de San Giovanni de Carbini qui doit une bonne part de sa renommée à la présence de son clocher, visible à des kilomètres à la ronde.

/// La jeune femme déambule au milieu de ruines éparses ///

Livia :

― Une autre église, San Quilico, était accolée à celle-ci. Un espace d'un mètre seulement sépare les deux bâtiments. Il n'en reste, comme vous pouvez le voir, que l'arase des murs et une partie du pavement originel, retrouvés lors de fouilles pratiquées dans les années cinquante. San Quilico, en ruines, a servi de carrière pour la restauration du campanile à la fin du dix-neuvième siècle.

/// Nous voyons maintenant la jeune journaliste dans la rue principale de Carbini, au milieu de maisons en pierres ///

Livia :

― Comme je vous le disais, Carbini fut le berceau de la confrérie des Giovannali.

Au quatorzième siècle, En ces temps de chaos où l'obscurantisme frappait l'Europe, les Giovannali, confrérie de franciscains dissidents, avaient institué un système communautaire où tous les biens étaient humblement partagés entre leurs familles.

/// Livia chemine entre les maisons et arrive sur une petite place où sont assises trois femmes qui discutent sur un banc de pierre///

Livia :

― Bonjour Mesdames. Je peux vous demander ce que vous savez sur la confrérie des Giovannali ?

/// Gros plan sur une petite grand-mère toute de noir vêtue, avec un fichu sur ses cheveux blancs.

La vieille dame en noir :

― Oh…, ils ont tous été tués. Il ne reste plus un seul Giovannali dans le village.

Livia :

― Qui les a tués ?

Une autre femme, à peine plus jeune, les cheveux grisonnants, en tablier bleu :

― Ils dérangeaient , ils n'étaient pas aimés…

/// En arrière-plan, deux enfants se courent après en riant ///

Livia :

― Et pourquoi ?

Une troisième femme, beaucoup plus jeune, en jeans et tee-shirt, portant des lunettes :

― Ils étaient accusés d'hérésie, ils contestaient l'autorité du pape et des seigneurs.

/// La jeune femme s'exprime aisément. Elle doit être l'institutrice du village///

Livia :

― Étaient-ils nombreux ?

L'institutrice :

― Tout le village et ses alentours et peu a peu ils ont évolué dans toute la Corse.

/// Hors-champ, un chat tigré, pas farouche, s'approche du groupe et se frotte contre la jambe de la dame en tablier bleu ///

Livia :

― Et que faisaient-ils ?

L'institutrice :

― Leur révolte contre le pouvoir de l'Église les amena à ne plus reverser à l'évêché d'Aléria l'impôt que chaque paroisse (piève) devait prélever auprès de la population.

La dame en tablier :

― Ils vivaient dans la pauvreté et le don de soi. Mais ils faisaient peur.

/// Gros plan sur le petit panier en osier qu'elle porte, le bras passé dans l'anse ///

Livia :

― Pourquoi faisaient-ils peur ?

L'institutrice :

― Les femmes étaient très présentes dans ce mouvement. Il y avait un souci d'égalité des sexes et ils rejetaient l'institution du mariage. Ca fait toujours peur quand les femmes prennent de l'importance.

Livia :

― Peur à qui ?

La vieille dame :

― Au pape de l'époque . Il les a tous fait exterminer et le village a été entièrement détruit. Il ne reste plus un seul Giovannali.

/// Gros plan sur son visage ridé, buriné par le temps ///

L'institutrice :

― Oui, comme les femmes faisaient partie des sabbats et qu'ils renonçaient au sacrement du mariage on leur forgea une réputation de débauchés. Pourtant, ils prônaient l'humilité, la simplicité, la non-violence. Ils étaient hostiles à la hiérarchie de l'Église qui les jugeait à l'opposé du message christique. Leur spiritualité et leur sens social s'étaient répandus dans presque toute l'île durant cinquante ans.

Livia :

― Comment ont-ils disparu ?

La vieille dame :

― Le pape de l'époque les a fait massacrer. Les femmes et les enfants aussi. Les derniers Giovanneli ont été brûlés à Ghisoni, au pied des montagnes appelées Kyrie Eleison et Christe Eleison.

/// Gros plan sur ses mains maigres aux veines apparentes, posées sur sa canne ///

Livia :

― Qu'est-ce que ça signifie?

La vieille dame :

― C'est du grec. Ca veut dire : " Seigneur, prends pitié et Christ aie pitié"

/// Zoom arrière sur le petit groupe. La dame en tablier bleu sort de son panier un sac en papier qui contient des beignets de bruccio et en offre aux autres femmes ///

/// On entend leur bavardage animé s'estomper peu à peu , leur rire, hors caméra ///

/// Contre-plongée sur le campanile ///

+++ Musique : Aria du groupe corse A Filetta +++



Fabinuccia