Destination : 161 , Courses de rentrée


Ana et anA





En traversant le corridor, Ana surprend sa silhouette fine, moulée dans une robe de mousseline . Elle suspend son pas, penche la tête, immobile. Ses yeux de chat lancent des éclats malicieux. Les deux femmes s' observent en silence. Ana s'approche de la paroi lisse et froide comme l'eau d'un lac, comme l'au-delà. Du bout de son doigt, elle suit la courbe fragile de son sourcil en accent circonflexe qui la laisse perplexe. Le halot de buée que son haleine dessine trouble l'image et Ana. Elle recule et s'émeut de la chute de ses reins, l'arrondi de ses seins, de ses épaules dorées, du galbe de son mollet. Alors, elle lève un bras d'un geste altier, bombe sa poitrine généreuse, se cambre avec majesté et fait quelques pas, telle une fière danseuse espagnole. Aussitôt, l' autre femme se met à danser. On entend les castagnettes et la guitare flamenco. Ana est à l'unisson avec son autre "moi", son alter-ego, sa jumelle, son ombre, sa moitié, son âme-sœur, son précieux mystère. Elles dansent à l'unisson. Un duo sensuel et sauvage. Les petits pieds nus virevoltent sur le plancher. La longue robe blanche tournoie et claque dans des volte-face endiablées. Les deux femmes tourbillonnent à la folie. Elles ne se quittent pas du regard. Aspirée l'une vers l'autre, elles se tendent les mains comme pour se rejoindre. Et, soudain, Ana, haletante, ivre de désir, se précipite violement contre la glace qui se brise en mille éclats.

Son corps tombe longuement dans l'abîme.

Il fait des volutes, des ellipses, des spirales.

Elle a froid.

Est-ce la réalité? Est-ce son être ou son paraitre, son double, son imitation inversée, sa parodie à l'image de sa complexité?

A trop se regarder, elle se perd dans son reflet.

Cet objet, en apparence futile, révèle l'histoire de tous ses regards … dans le miroir.

Fabinuccia