Destination : 145 , Fées d'hiver


Le goût de la gloire

Le goût de la gloire.



Ani s’est toujours distingué de ses frères et sœurs.

A l’école de Kollam, il était déjà connu pour ses idées farfelues.

Dans la cour de récréation, lorsque les autres enfants jouaient, lui, gribouillait sur la terre avec des bouts de bois, sur les arbres avec son canif, sur les galets avec de la craie.

Peu à peu, il se mit à utiliser des épices pour ajouter de la couleur.

Au gré de ses explorations, il réussit à se procurer un peu des teintures qu’utilisent les tisserands du quartier des artisans. Ce fut pour lui une révélation. Il se mit à peindre des fleurs aux couleurs chatoyantes, des animaux fabuleux. Ses nouvelles œuvres prirent un nouvel essor, et, il reçut des dons d’admirateurs. Cela lui permit de s’acheter de la vraie peinture, des châssis, des pinceaux.

Ani rêvait de devenir un peintre célèbre. Pourtant, ses travaux étaient empreints de maladresse et de naïveté. Mais, tant qu’il était enfant, les gens s’extasiaient. Or, plus Ani avançait dans l’âge, moins il entendait de louanges ; il ne progressait plus. Malgré cela, il ne se découragea pas. Il se dit que puisque le talent lui manquait, il devait trouver une idée pour plaire. Et, il n’était pas à court d’idées.

L’artiste entreprit alors de peindre des portraits. D’abord ceux des commerçants de sa rue : Ganesh, le conducteur de rickshaw, Subrami, dans son échoppe de repasseur ou Saadia, la petite marchande de fleurs. Mais il n’eut pas le succès retentissant qu’il espérait.

Il eut alors l’idée de choisir comme modèle des personnages prestigieux : Nerhu, Gandhi et même Tagore ! Et, ce fut une révélation. Cette fois- ci, il toucha le cœur des hommes.

Pourtant, son imagination fertile ne resta pas longtemps au repos et il voulut ajouter une extravagance à sa réussite. Sa nouvelle idée lui garantit un triomphe sans précédent.

Ani ne fut pas épargné par les migraines et nausées provoquées par les substances chimiques contenues dans la peinture. Mais il persévéra.

Aujourd’hui, Ani a trente ans.

Il entreprend de réaliser un tableau de deux mètres de haut représentant Jésus Christ.

Chaque matin, il se lève, toujours animé par sa passion. Après un petit-déjeuner frugal composé de lait, de chapati et de riz, il se met au travail.

Ani peint avec sa langue.

Jusqu’où ira-t-il pour le goût de la gloire ?

Fabinuccia