Destination : 171 , la maladie d'Ailleurs


Hi, hi, hi !

Avant, elle était malade. Complètement malade. Enfin… elle ne savait plus si c’était elle qui était malade ou bien les autres. Tous les autres. Ou presque tous.

Cela avait commencé il y a quelques années déjà. Les premiers symptômes, diffus, ne l’avaient, dans un premier temps, pas inquiétée. Il s’agissait plutôt d’une sensation étrange, sur laquelle il était difficile de poser des mots. Un mal-être, un ressenti désagréable, rien de plus. Et puis, au fil des semaines, la chose avait évoluée. Sans faire de bruit, le malaise avait grandi et, sans même demander la permission, il avait posé ses valises dans ce corps là, et s’était installé comme un locataire à l’année, avec bail renouvelable par tacite reconduction.

Elle s’était habituée à ce squatter qui savait se faire discret dès lors qu’il avait l’impression de s’être fait repérer. Il faisait alors le mort en attendant que l’attention de sa logeuse parte vers d’autres préoccupations, puis continuait de déballer ses affaires pour prendre possession des lieux. C’est ainsi qu’ils cohabitèrent tant bien que mal, jusqu’au jour où elle décida de réagir, de sortir de la léthargie dans laquelle elle s’enfonçait un peu plus profondément au fil des semaines. Elle devait, selon ses termes, prendre le taureau par les cornes, et partir à la recherche de nouvelles activités, de nouvelles rencontres, qui pourraient lui faire retrouver sa joie de vivre. Elle fit donc le tour des foyers ruraux, salles de sports, et clubs en tout genres, tenta de s’initier au scrapbooking, pris des cours de cuisine, participa à des tournois de scrabble, s’essaya à l’aïkido, dévala des pentes à VTT, rejoignit un club photo, se remit à l’anglais, rien n’y fit ! Impossible de se défaire de cette mélancolie dévastatrice qui s’étalait sur sa vie comme une langue de goudron sur la chaussée. C’est alors que sur la vitrine de la boulangerie, une petite annonce lui sauta aux yeux : nouveau sur Trifouillis, ouverture d’un club de rire, séance d’essai mercredi 4 avril à 19 heures, salle communale, venez nombreux !

Un club de rire ? Quelle drôle d’idée ! Heu … oui, normal que ce soit drôle, pour un club de rire…

Elle essaya, devint accro à ce rendez-vous hebdomadaire où elle retrouvait un petit groupe de nouveaux amis avec qui elle riait tout son soûl, se dilatait la rate et entretenait ses zygomatiques comme jamais elle ne l’avait fait. Et elle se sentait tellement bien en sortant de ces séances, qu’elle avait l’impression d’avoir mis KO sa maladie jusqu’à la séance suivante.

Et si le rire était le remède à tout ? Bon, oui, en disant cela elle sentait des regards inquiets se tourner vers elle, du genre : bizarre dans sa tête, celle fille ! Pas tout à fait normale, celle-là !

Et bien, dommage pour les grognons qui la regardaient de travers, cette douce folie, son besoin de rire de tout, à présent elle l’acceptait, et même mieux, elle s’en gargarisait. Elle était convaincue que c’est le rire qui avait finalement fait fuir son hôte indésirable.

Donc, avant, elle était malade. Maintenant elle est toujours malade, mais …elle a changé de maladie : elle est désormais atteinte de rigolite aigue et il paraît que c’est incurable ! Ah, ah ah ! Hi, hi, hi, hi, hi ! Oh, oh, oh, oh, oh, oh……



PS : Faites attention à vous, il paraît que le rire est très contagieux !

Griotte