Destination : 30 , Mythomanie littéraire


Autointerview

Ecrire Demain. Numéro de septembre 2004. Rubrique La relève.





Elle est discrète, voire farouche, elle fuit les salons et les émissions littéraires. De celle que l'on surnomme « la voix » l'on ne connaît généralement que le nom - qui est un prénom-, qui brille parmi les étoiles montantes de l'écriture. Pour Ecrire Demain, Josée a accepté de sortir de la pénombre et de se dévoiler à notre chroniqueur Bernard Pitov.





BP : Josée. Pourquoi Josée ? Panne d'inspiration dans la quête d'un pseudonyme ? Rejet de votre patronyme ?





Josée : Ni panne ni rejet. Il est vrai que j'aurais pu garder le nom de mon père. Je lui voue un immense amour, mais il ne suffit pas à me définir. Et le nom du mari. Un mari, ça va, ça vient, ça change.(rires) Non, ce n'étais pas satisfaisant. Et un nom inventé. Je veux être, et non me cacher derrière un masque. Mon prénom, lui, est tout un programme : j'ose, au féminin. J'ose exister par l'écriture. Voilà, c'est tout simple. C'est moi.





BP : On vous surnomme « la grande prêtresse du proème ». Pourriez-vous nous expliquer ce concept ?





Josée : Eh bien, comme son nom l'indique, mon écriture tient de la prose et du poème . Partie de la poésie - une poésie dense, intense, elliptique, très musicale, aussi. Incantatoire, je dirais - je me suis longtemps crue imperméable à la prose, jusqu'à ce que je découvre que je pouvais raconter une histoire avec la même intensité , la même musicalité que l'incantation poétique. Des images porteuses, des rythmes, des scansions, des mélodies répétées, comme une phrase musicale, dans le bel canto.





BP :. la « voix »





Josée : Le terme me plaît bien. De toute façon, toute écriture a une « voix ». Pour ma part, je voudrais que la mienne ait l'intensité de Duras et la somptueuse musicalité de Soie, d'A Barricco. Mais dans « la voix », « la » est de trop. Une voix, oui, parmi d'autres, chantant dans le même registre, chantant « d'ailleurs ».





BP : Vous faites sans doute allusion à « Ailleurs », le mouvement littéraire ?





Josée : Oui. Ce mouvement a une histoire, qui est d'abord une histoire d'amitié. C'était à l'origine un atelier d'écriture sur Internet, qui nous a réunis, dans la confiance et l'estime mutuelles. Nos plumes s'y sont affirmées, nos valeurs aussi. Nous privilégions l'émotion, vraie, simple, sur les vains jeux intellectuels où se complaît trop la littérature actuelle. Un roman, une nouvelle, un poème, doivent transmettre et susciter l'émotion pour être réussis. Ce qui n'exclut pas l'humour et la fantaisie ! Il n'y a qu'à lire « Les deux pingouins », de Mireillekat Daix, ou la merveilleuse « Ecrevisse » de Danièle Perrault, pour comprendre ce qui nous porte. Et Mado Lubin, créatrice de l'étonnante Maud Estie ! Et Cathy Raynal et son vibrant « Mon père », et les extraordinaires « Textimages » de Nicole Alpha, et notre jeune prodige, Jaliska, et les 3 JF : JFP , JFM, JF Lorent , et d'autres encore !.





BP : Oui, cet atelier a été un vivier de vrais talents.





Josée : la relève.





BP : Nous leur consacrerons d'ailleurs notre prochain numéro d'Ecrire Demain, dans la rubrique portant ce nom. Mais parlons de votre dernier roman, « Retour vers soi » : il met en scène une femme de cinquante ans qui recommence sa vie. Est-ce autobiographique ?





Josée : Quel roman ne comporte pas une part d'autobiographie ? L'écrivain nourrit ses personnages d'émotions vécues. Oui, bien sûr, j'ai mis en Eliane, mon héroïne, ma propre expérience. Arrivée à cinquante ans elle se croit finie : des enfants qui ont grandi et s'en vont, un mari devenu un étranger, une certaine fatigue de vivre, la routine, l'usure, et puis.





BP ; la rencontre, l'imprévu.





Josée : le destin, la vie qui recommence. L'émerveillement, une jeunesse nouvelle, le départ vers un autre homme, un autre pays, l'inconnu.







BP : Ne tombez-vous pas dans les clichés ? Le côté « chabadabada », Lelouch. ?





Josée : et si les clichés disaient vrai ? Si la littérature était très en-dessous de la réalité ? Excessif ? Il faut oser être pleinement. Il faut oser.





BP : Votre programme ?





Josée : mon nom, souvenez-vous. Mon nom d'écriture, mon nom de vie.





BP : Josée, merci.









Dans le prochain numéro, vous retrouverez les auteurs d' »Ailleurs » cités par Josée. A ne pas manquer !



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