Destination : 158 , Tout ce que je sais c’est que je suis ailleurs* !


Honteux détournements

C'est au pied du mur qu'on voit le mieux le mur. Jean le savait bien. Debout, planté face à la barrière érigée de ses mains, il se remettait en mémoire les grandes maximes du métier : « Je ponce donc j'essuie » et « Ne jamais remettre au lendemain ce que tu peux faire le surlendemain ». La profession s'enorgueillissait de cette dernière et tout bon ouvrier avait à cœur de l'appliquer.



La construction de ce mur lui avait pris des mois entiers. Jean n'œuvrait que très rarement avant le déjeuner car rien ne sert de courir, il faut dormir à point. C'était là son premier édifice et il en était très fier. Constitué de pierres qui avaient roulées sans amasser de mousse, il représentait son baptême d'ouvrier maçon. Ce n'était pourtant pas la profession qu'il avait choisi d'exercer. Son père, qui préférait être craint qu'aidé, lui dit un jour :



Puisque tu ne veux pas cultiver ton jardin, tu bâtiras des murs. L'homme n'est qu'un roseau, mon fils, mais c'est un roseau penchant. Sois fier de tes futures bâtisses et n'oublies pas que le maçon ne quitte pas son chantier dans la tempête parce qu'il ne peut sécher le ciment. En toutes circonstances, tu devras faire face.



Jean n'avait donc eut d'autre choix que d'embrasser la profession imposée. Mais aujourd'hui, et parce que tout vient à point à qui sait avancer, il s'apprêtait à graver sur la pierre ses initiales, signant ainsi son chef d'œuvre. Contre toute attente, le sacrifice ne lui coutait pas et il trouvait même du plaisir au commencement de la fin d'une vie heureuse.



J'ai bien travaillé mais ce mur sera mon unique création. J'aime mieux purger mon âme que la meubler, et si le travail c'est la santé, ne rien faire c'est la conserver. Il ne faut pas multiplier les ouvriers sans nécessité. Moi, tout ce que je sais, c'est que je ne veux plus rien savoir. Que voulez-vous ! Le cœur a ses raisons que la raison n'a pas besoin de connaître.



Fort de sa décision, Jean partit alors sans se retourner.







Citations détournées :



C'est au pied du mur que l'on voit le maçon.

Je pense donc je suis (Descartes).

Ne jamais remettre au lendemain ce que tu peux faire le jour même.

Rien ne sert de courir il faut partir à point (La Fontaine).

Pierre qui roule n'amasse pas mousse.

Il est beaucoup plus sûr d'être craint qu'aimé (Machiavel).

Il faut cultiver notre jardin (Voltaire).

L'homme n'est qu'un roseau mais c'est un roseau pensant (Pascal).

Le pilote ne quitte pas son navire dans la tempête parce qu'il ne peut maîtriser les vents (More).

Tout vient à point à qui sait attendre (La Fontaine).

Le plaisir est le commencement et la fin de la vie heureuse (Épicure).

J'aime mieux forger mon âme que la meubler (Montaigne).

Le travail c'est la santé.

Il ne faut pas multiplier les entités sans nécessité (Guillaume d'Ockham).

Tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien (Socrate).

Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point (Pascal).

LYDIE F