Destination : 184 , Apocalypse Now


Mon apocalypse

Mon apocalypse





L’apocalypse, chacun la porte en soi. Nul besoin de la grande Bascule universelle. A chacun la sienne, toute petite, en minuscules. Mortelle, comme il se doit. Il suffit d’une étincelle, évanouie.



La mienne m’a frôlée deux fois :



La première, c’était il y a bien longtemps déjà : ma rétine, fragile, se déchirait. Neuf chances sur dix pour que la déchirure se faufile, telle une maille de bas qui file, jusqu’au nerf optique, m’aveuglant à jamais. Elle mit longtemps à venir, la cicatrice salvatrice. Presque un an : il faut bien que le Destin s’amuse. L’angoisse existentielle, c’est à petites gouttes quotidiennes qu’il la distille souvent. Où serait le plaisir sinon ? Le bas fut reprisé. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, elle se déchirera, peut-être, une autre fois, cette rétine fine comme un bas résille. C’est drôle comme les lois mathématiques peuvent être tragiques parfois.

En attendant, je vois. Je me gorge des lumières, des couleurs des collines provençales où je vis, savoureusement. Chaque image est un précieux don que je goûte pleinement.



La deuxième fois, ce fut un soir de mars de cette année. De retour du lycée, nul message de celui qui est l’âme de ma nouvelle vie. L’attente. Le vide, soudain. Les messages sans réponse. Et puis un appel, de l’hôpital : il avait eu un léger malaise, il restait cette nuit, en observation. Je ne devais pas m’inquiéter. Il rentrerait demain. J’apprendrais ensuite qu’il avait failli mourir.. Une allergie soudaine. Comme cela tient à peu de choses, la vie ! Je n’ai rien dit. Mais j’ai frôlé l’abîme. Quelle existence, sans lui ?

Depuis, je vis. Je vis de toutes mes forces, comme si tout devait mourir demain, comme si je devais mourir demain. Mon apocalypse à moi est ma force de vie.



Après moi le déluge.

josee