Destination : 191 , Mal


triptyque de la passion

Triptyque de la Passion



1

Tropique du crabe



Ton visage mosaïque craquelé de malheur

Sonne coup de gong uppercut du Boxeur



Il faut opérer. Vite, a dit le docteur.

Cancer avancé. Et le crabe s’avance vainqueur

De sa démarche torse sinueuse dans ton cœur.



Subreptice l’angoisse glisse constricteur

Serre et étreint

Le souffle éteint

Le regard atteint

La pensée soufflée d’horreur



Le mal. Là . En toi.

Intérieur.

Le mal est toi.

S’amputer pour survivre.

Couper la chair.

La douce chair tienne

Amie familière

Investie.

Ennemie.

Arrêter la gangrène.

Survivre.

Mutilée.



Visage éclaté

Pulvérisé

Cœur métastasé





Vivre ?





2

Ce que nous ne dirons pas



La voici

Telle un boxeur

Ramassée

Sur elle-même

Quadrature des cordes

Sur le grand ring carré

Acculée

Sonnée

Se relever

Sonnée

Encore

Se relever

Encore

Tenir

Endurer

Coup

Sur coup

Toujours se relever

L’Autre se lassera, peut-être…

Graciée ?

Quel courage pour simplement survivre !



Et nous voilà, nous, spectateurs impuissants

Nous l’aimons, comment lui dire ?

Toute parole l’épuiserait

Garde tes forces pour toi-même

Pour la lutte suprême

Sur le grand ring carré

Nous t’aimons tu le sais



Nous l’aimons, comment lui dire ?

Les grands brûlés

Tout contact les fait hurler

Même tendre

Toute parole serait blessure

Nous t’aimons tu le sais

Garde tes forces pour toi-même

Pour la lutte suprême

Sur le grand ring carré



Nous l’aimons, le sait-elle ?





3

Garder la face



Elle ne voulait pas qu’on la voie

Ainsi

Ayant perdu face et figure

Humaine,

Tellement humaine !

Nue

Dans la crudité de l’être

Nu

Dans l’atrocité dernière

Elle ne voulait pas qu’on la voie

Non. Elle ne voulait pas.

Elle voulait, coquetterie suprême,

Rester belle

Rester celle que l’on aime

Rester telle, si belle !

Que dans nos souvenirs,

Juste avant de mourir.

Dieu qu’elle était belle,

Ainsi !

Dans la crudité de l’être

Nu.

Dans la beauté dernière…





josee