Destination : 201 , Nouveau départ


Le second premier cri

J'ouvre les yeux lentement mes paupières sont si lourdes. Au-dessus de moi des visages penchés avec des regards bienveillants. Où suis-je ?



Mon cerveau est englué dans une masse, c'est étrange je peux visualiser cette masse, donc je sais ce qu'est une masse, mais aucune autre image ne surgit rien qui permettrait au moindre souvenir d'affleurer. Je fixe intensément ces gens. Je voudrais dire "Où suis-je" mais je ne parviens pas à formuler ma question. Parler est si difficile. Comment faire bouger mes lèvres ?



Des sons peu à peu arrivent jusqu'à mon oreille mais cela est flou. Bien écouter, écouter de toutes ses forces. "Elle vient de se … réveiller" Réveiller. Je tourne et retourne ce mot dans ma tête et un morceau de la masse se distend, s'effiloche.

"Réveiller" et un autre mot vient s'adjoindre dans la ronde "dormir". Je dormais et je viens de me réveiller. Toujours pas d'image donc toujours pas de souvenir.



Quelqu'un a saisi ma main droite et la caresse. Pour le moment je ne parviens pas à tourner la tête. Quelle douceur cette caresse. Une nouvelle chaleur monte dans mon bras. Je peux suivre ce bien-être. Il va gagner mon épaule et mon cou. Je voudrais tant que cela envahisse mon visage épais compact comme du marbre. Je connais ce mot "marbre". Faire tourner "marbre", l'agiter, le secouer pour trouver un autre mot. Je me concentre.

On caresse ma joue. Toujours cette infinie douceur. J'ai envie de pleurer. Peut-être je pourrais pleurer ? Comme ce serait bien. Se laisser aller, fondre, retrouver toutes mes émotions une par une sans rien brusquer. La masse s'éclaircit.



Masse, réveiller, dormir, marbre, douceur, pleurer. A force de les mâcher dans ma tête ils vont bien finir par provoquer une image tous ces mots.



"Maman" la caresse dit "maman". Je voudrais crier "maman" pour ne plus être terrifiée. Je suis un enfant qu'un ventre inconnu expulse. Crier pour revenir à la vie !

J'ai crié quelque chose d'informe qui venait de mes tripes. La masse a explosé et toutes les images et tous les souvenirs ont déboulé en armée anarchique, braillante, pressée de s'imposer.



J'ai reconnu ma fille et en pleurant je l'ai appelée maman.



Je sortais d'un mois de coma.





EVELYNE W