Destination : 234 , Virtual Destination


Le nouvel élu

Il ajusta son visiocasque binoculaire sur sa tête le cœur battant. Il devenait addict aux escapades dans le monde virtuel, il le réalisait, mais comment lutter ? surtout depuis sa rencontre avec le « Personnage ».



Comme d’habitude, il entra en volant dans un monde bleu, jaune, rouge et mauve traversé par des éclairs or et parfois balayé par une pluie d’étincelles argentées. Des géométries brisées et mouvantes s’assemblaient en paysages. Il se sentait extraordinairement libre et invincible dans ce monde nouveau. Il en était de plus en plus certain, il était le nouvel élu.



Le « Personnage » avait d’abord été un point dans une volute laiteuse. Puis le point devint ligne et la ligne se fit silhouette. Des volumes s’organisèrent. Il assista, émerveillé, à la naissance du « Personnage », une sorte de femme oiseau à la beauté stupéfiante. Elle essaya de se mouvoir maladroitement en oisillon. Il lui tendit la main, avec une grâce infinie, elle la saisit. Il lui enseigna les façons les plus classiques de vol puis la saisissant par la taille, qu’elle avait si menue, il compliqua les figures. Une dance aérienne et amoureuse s’inventa dans un espace mauve.

Soudain il fut aspiré et jeté sans ménagement dans des ténèbres. Un bruit strident qui fusa dans sa tête l’avertit que la réalité le rappelait. En naufragé il ôta son visiocasque et se prépara pour rejoindre son bureau.



Dehors un automne naissant rougissait les vignes vierges. Le vert se retirait avec douceur laissant la place à un jaune paille. Un soleil câlin encourageait les chants d’oiseaux.

Mais cela il ne le voyait pas.



Un enfant, cartable sur le dos, courait et bondissait. Il était énergie pure et joie.

Mais cela il ne le voyait pas.



Un vieux couple marchait paisiblement, main dans la main. Aux terrasses des café on lisait le journal du matin en sirotant un café-crème, on s’interpellait amicalement.

Mais cela il ne le voyait pas.



Assise sur un banc, à l’ombre d’un platane séculaire, une jeune fille dessinait. Sa longue chevelure vaguait sur ses épaules.

Mais cela il ne le voyait pas.



Il se pressait ombrageux, agacé. Une seule pensée mobilisait son esprit : que la journée s’achève vite pour qu’il puisse rejoindre « Son » monde.







EVELYNE W