Destination : 28 , L'île d'Utopie


Mondes parallèles

Mon île à la douceur d'un nuage, la fraîcheur de la rosée, la chaleur des

boutons de rose rouge printaniers. Elle est baignée par la lueur du soleil

s'élevant, au matin, des immenses étendues de prairies verdoyantes, et sombrant,

le soir, dans l'abîme magique du miroir océanique. La couleur si pure des

fleurs de merisiers bordant les chemins, leur odeur douce et légère s'élevant

dans l'atmosphère de cet Eden enivrent ma vie.



Au bas du sentier, dans le lit où se lève le jour, un joyeux harem d'équidé

goûte à la liberté entre deux entraînements. Heureuse, enjouée, la jument

suitée gambade avec grâce, semblant galoper au dessus du sol, en un ultime vol

d'allégresse. L'étalon se tient, méfiant au froissement des feuilles fragiles

sous mes pas, l'encolure dressée, les oreilles dirigées vers moi, vers

l'avant, toujours. Ses muscles d'athlète, mis en valeur par sa robe d'ébène, luisent

à la lumière orangée. Il m'a reconnu, s'approche, assuré, l'air altier,

hennit doucement et renifle mes cheveux avant de poser délicatemetn ses tièdes

naseaux de velour dans mon cou. Je l'aime, mon cheval. Je l'aime, Amiral.



Ce soir, une nouvelle représentation au théâtre de la ville. Ici s'écoulent

mes dernières minutes de sérénité, avant de connaître l'angoisse stimulante

des planches, les battements effréné d'un coeur laissant place à un autre, le

regard hypnotisé, dans l'obscurité des coulisses, par la lumière de la scène

apperçue entre deux rideaux. C'est ici que le comédien meurt, c'est ici que la

comédie vit: sur un plancher craquelant. Jouer, interpréter un personnage

fonctionne ainsi: un don au détriment de soi, un oubli de sa personne, une

offrande de la vie et la mort à l'amagination.



Voici mes deux mondes, mes deux îles, les deux seuls lieux où je me sens

vivre, revivre: leur pré et ma scène. Pourquoi? Parce qu'ici j'existe et là bas

pas; parce que cela me motive alors que le reste me lasse; parce qu'en

société, on baigne dans la foule on n'y vit pas. Retour aux sources, aux origines,

retour à moi.

Aurélie