Destination : 43 , Avril de poisson !


Plaisanteries

L’ ulcère de Garofoli se réveillait, l’ affaire s’ annonçait difficile. Le brigadier chef Duraton avait, comme à son habitude, défoncé la porte de son bureau en hurlant :

-Chef, chef, on a retrouvé l’ otage du casse de la bijouterie Monsetmerveille ! Vous allez rire chef, c’ est mickey !

Garofoli enleva ses lunettes, frotta ses yeux fatigués et posa sur son subordonné un regard patient. Duraton, hilare, repris son récit :

- Oui, Euh, enfin chef, je veux dire que l’ otage portait un masque de mickey. On l’ a retrouvé au volant de la Mercedes volée rue Sansouci. On est en train de le décoller.


Garofoli remit ses lunettes. Son regard bleu glacial atteint de plein fouet un Duraton hilare qui se tapait la cuisse :


- Ben, c’ est que en fait chef, mickey…enfin je veux dire l’ otage….D’ abord, on a eu peur, on a cru qu’ il était mort ! Il avait les deux mains et la tête posées sur le volant…Et puis on a vu qu’ il était endormi, sûrement au chloroforme. Alors on a essayé de le sortir mais ces enfoirés avaient collé ses mains sur le volant. De l’ extra forte comme colle, pas la blanche de maternelle que Léon a sur son bureau, vous pouvez me croire..


Ça, c’ était il y a deux jours. Et voilà qu’ aujourd'hui, l’ exubérant Duraton n’ est plus que l’ ombre de lui-même. Regard éteint, pas un mot depuis dix minutes. En faisant abstraction du persil dans les narines, il a le visage tourmenté d’ un cochon à l’ étal du charcutier. Même la porte, ouverte normalement, est stupéfiée. Exceptionnellement Garofoli parle le premier :

- Seriez-vous souffrant, brigadier?

-Ah chef, chef si vous saviez, si vous saviez ! Sanglote Duraton en sortant son grand mouchoir a carreaux pour y envelopper promptement son nez et lancer un mugissement digne des trompettes du jugement dernier. Il s’ assoie alors sur la chaise où son patron avait posé sa mallette grande ouverte. Indifférent au craquement, il écrase les dossiers et la grosse larme qui glisse sur sa joue. Duraton soupire :

- Voilà chef. L’ autre soir, après l’ histoire du mickey collant et tout ça, pour me changer les idées et vu que c’ est bientôt notre anniversaire de mariage, j’ ai emmené ma femme au restaurant. Ça fait trente ans qu’ on est marié, chef, et la Germaine, elle n’ a jamais eu à se plaindre de moi, je vous le jure ! On était au buffet de la gare pour déguster la choucroute de la mère Albertine, quand le petit téléphone que vous m’ avez donné s’ est mis à sautiller sur la table. Ce n’ est pas un téléphone honnête chef, il s’ allume, il clignote et il gigote droit sur les genoux de Germaine. Elle l’ a ramassé chef et ce fut l’ apocalypse ! Elle a poussé un beuglement si fort qu’ on a même pas entendu le 22H15 passer. La choucroute, je l’ ai pris sur la tête. Germaine, elle est partie en hurlant que sa mère lui avait bien dit de ne pas épouser un Duraton. Abasourdi, je pouvais plus bouger, chef. Pourtant le chou dégoulinait dans mon cou, le plat à l’ envers coinçait une saucisse qui me chatouillait l’ oreille et une tranche de cervelas obstruait mes lunettes. Mais le pire chef, c’ est que le petit téléphone était dans mon assiette, et sur le petit écran il y avait un message « Mon chéri, je n’ en peux plus. Ah tes lèvres, tes mains ! Viens-vite, je meurs d’ impatience- ta Gilda ».

Chef, je ne sais pas qui est Gilda. Ce que je sais, c’ est qu’ en rentrant, il y avait devant ma porte, une valise, ma collection de timbres et jojo, mon canari, tout penaud dans sa cage parce que le chat pardeur de Philomène Marchand était assis tout près de lui sur le paillasson. Chef, je lui ai tout dit à Germaine, tous les mots qu’elle aime…mon canard en sucre, mon lapin rose, ma grenouille en chocolat, mon oiseau des îles, mon baba au rhum…Tout, j’ai tout dit, j’ai rien oublié. Rien à faire ! J’ai dormi sur le palier entre Jojo et le chat. C’est cette peste de Philomène qui m’a réveillé en ameutant tout l’immeuble. Comme ça tout le quartier sait que Eugène Duraton s’est fait mettre à la porte de chez lui ! Ah chef, je suis crucifié !

Garofoli, depuis un bon moment, regarde les collègues de Duraton, dans le bureau voisin. Au bord de l’attaque, ils étouffent leurs rires sous leurs grosses mains poilues. Se tournant vers le malheureux brigadier en larmes, le commissaire demande alors :

- Dites-moi, Duraton, vendredi, ce n’était pas le 1er avril ?

Corinne