Destination : 79 , La multitude des possibles


dest 79 : La multitude des possibles

D 79 « Une multitude de possibles face à un énoncé »



Soit donc cet énoncé bien connu de la plupart des automobilistes: … « Rouge, orange, vert »



1 / Rouge. Orange. Vert.

Rouge ? Stop ! Arrêt, que tout de fige pour quelques secondes impatientes…
Orange ? Stop ! Faut pas ralentir, faut s’arrêter, même si ça passe ou même si il faut y aller, faut s’arrêter ! C’est un peu comme le rouge en un peu plus dynamique et en beaucoup, beaucoup plus compliqué !
Vert ? Facile : go ! Enfin, facile…pas si sûr, il aurait pu s’en falloir de fort peu pour que tout changeât, qu’il passât à l’orange par exemple et que tout se complicul… Passons donc… !
Quand je serai grand j’apprendrai la concordance des taons … et aussi lorthograffe !

2 / Rouge. Orange. Vert.

Le rouge tâche
L’orange se pèle
Et le vert à pied

3 / Rouge. Orange. Vert.

Rougir de colère, orange oh désespoir ! Vert qu’elle infamie vous m’entraînâtes !

4 / Rouge. Orange. Vert.

Rouge, orange, vert, trois bandes verticales du drapeau d’un pays imaginaire. Un drapeau de plus dans la guirlande de ceux qui existent déjà.
Il vient souvent un moment où les enfants, occupation possible d’un dimanche pluvieux que d’habitude, où les enfants sollicitant la page couleur du dictionnaire, entreprennent de « dessiner tous les drapeaux du monde »… Exploration naïve ? Manière de se promener en citoyen du monde ? Appropriation de la terre dans sa diversité ? « Entre tous ceux-ci, lequel est le miens ?
Chaque année, combien de drapeaux naissent ? Combien de drapeaux meurent ? A quel prix ? Au prix de combien d’intrigues, combien d’espoirs, combien de morts ?
Plus grande est la nation, plus grand le nombre de cadavres entassés qui en assoient le socle. Drapeaux, oriflammes brûlant sur des charniers, claquant aux vents des peurs, des fiertés, des pouvoirs, des libertés un instant conquises ; drapeaux fous des incertitudes, des enfants nus, hagards, fuyant sous la mitraille… clichés impitoyables… !
Drapeaux gais, drapolices, draps peaux de vaches, linceuls des illusions…

Rouge, orange, vert, trois bandes verticales du drapeau d’un pays imaginaire.
Rouge pour dire le coût du sang, rappeler toujours le goût du coût du sang, ce goût métallique, un peu écoeurant.


Orange pour l’ocre de certaines terres brûlées de soleil. Orange des agrumes étincelants, enfants magiques du soleil et de l’eau apprivoisée.
Vert enfin, chargé de tous les espoirs, de tous les possibles, vert de l’herbe grasse des cultures mouillées de pluies, baignées de mille ruisseaux. Verts changeant des saisons, des climats, des latitudes, et verts encore des arbres qui prennent le vent dans leurs cheveux, des sapins sombres sous la neige, silencieux dans leur sagesse résignée.

Les drapeaux m’inquiètent plus souvent qu’ils ne me réjouissent.

5 / Rouge. Orange. Vert.

« … I rouge, U vert [ …]
I, pourpres sang craché, rires des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;

U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d’animaux, paix des rides
Que l’alchimie imprime aux grands fronts studieux. »
A.Rimbaud.
Il n’y a pas de voyelle pour l’orange !
Couleur subtile, équilibre précaire, incertain entre l’or et le vermillon, temps fragile de l’aube ou du couchant, orange consonne, comme un glas.

6 / Rouge. Vert. Orange.

Aline est rouge, rouge sa bouche autant que ses cheveux sont noirs.
Rouges ses joues gonflées de rires, rouges ses lèvres, oh si rouges, putains de fruits à la pulpe tendue.
Aline est rouge, le souffle court, tétins carmin et rouge fente.
Aline en rouge, sous ma bouche, Aline bouge…

Aline en vert
Aline en mousse
Aline en herbe
Aline en tiges, en pousses tendres,
Longues jambes et souple bambou
Aline écarte
Le feuillage
Qui la cache
Aline en vert
Aline en mousse
Aline à l’envers
Aline Enila.

Orange ma Zéphyrine
Orange le chaud buisson de ton ventre
Orange et brûlant, le feu de ton buisson
Ma Zéphyrine



7 / Les petits poissons rouges
Les petits pois sont verts
Et les cachalots rangent….
Hum, hum… Veuillez m’excuser.


8 / Rouge, Vert, Orange.

Nous l’appelons « la chambre rouge », celle austère de mon grand-père ; d’un rouge sombre et profond et mat, dont se dégage une respiration lente et une odeur un peu fade de vieux tissus et de livres épais.
Nous l’appelons « la chambre verte » celle des enfants qui jouent au Monopoly, à baston- polochon, à trouve-moi dans le noir… Celle des enfants d’avant la console, celle des enfants d’il y a si longtemps, petits cons charmants.
Nous l’appelons « la chambre orange » parce qu’elle est orange et moi fatigué. Nous l’appelons la chambre orange parce que ma mère y a laissé un tableau de jeunesse, peinture audacieuse d’un quart de potiron.

J’irai demain prendre l’air, prendre l’air du marché, l’air et les couleurs des fruits, des légumes du marché, rouges, oranges et verts.

08/01/07
Zéfirin KOPEC

ZEFIRIN KOPEC