Destination : 106 , Fabuleux fabliaux !


La vieille et le vent.






À vêpres descendantes, une vieille chenue s’en revenait de la forêt, courbée sous un fagot de branchage, qu’elle portait sur son dos.
Arrivée à la rivière, qu’à cet endroit elle pouvait habituellement traverser à pied, elle vit un tourbillon boueux en furie qui lui barrait le chemin du gué.
— Comment vais-je rentrer dans ma masure ? se lamenta tout haut la vieille.
Elle n’eut comme réponse que le croassement des corbeaux, ombres noires qui tournaient au-dessus de sa tête, la rivière en crue semblait ricaner et lui dire :
— Toi la vieille, si tu essaies de traverser, tu te noieras, et les corbeaux dévoreront tes restes.
La vieille chenue frissonna dans son châle. Elle déposa à terre son fagot de bois, à genoux les mains jointes, elle mit son Ame entre les mains de Dieu, bredouilla une prière.
— Fait, doux Jésus, que je traverse cette rivière pour rentrer dans ma masure nourrir mon chat. Il est seul, il m’attend.
— Si tu réussis à passer sans te noyer la vieille, tu recouvreras la jeunesse, répondit le vent.
— Que voulez-vous que je fasse de la jeunesse ? Je l’ai déjà connue il y a bien longtemps, et pas envie de revenir en cet état. Répondit la vieille.
— Comment pas envie de revenir jeune et avenante ? Demanda le vent surpris.
— Pour que les hommes me poursuivent pour voir mes fesses ? Ah non alors ! je suis plus tranquille dans cet état !
— La richesse alors, beaucoup d’écus ?
— J’en saurais qu’en faire, j’ai juste besoin d’un peu de bois, que je ramasse gratuitement dans la forêt pour me chauffer, et d’un peu de lait pour nourrir mon chat.
— J’ai encore l’amour à te proposer, mais si tu veux rester chenue ce ne sera guère possible, les princes charmants n’aiment que la jeunesse.
— J’ai l’amour de mon chat qui m’attend cela me suffit !
— Je ne peux te laisser traverser cette rivière sans un gage de bonheur, répondit le vent agacé, c’est la règle dans tous les fabliaux qui se respectent ! (article 62 petit b paragraphe 5 en tout petit en bas de la page 103 ) que veux-tu donc alors ?
— Rien d’autre que de rentrer chez moi pour nourrir mon chat !
— Mais elle est bouchée cette bonne femme ! gronda le vent, tu ne peux traverser qui si tu acceptes la jeunesse ou l’amour, ou la richesse ! c’est comme ça et pas autrement !
— Votre camelote ne m’intéresse pas et d’abord si c’était un fabliau vous me parleriez en vers !
— Tiens ou vous avez appris ça, vieille chenue ignorante ?
— Ignorant toi-même espèce de vieux con de vent ! Veux-tu bien calmer cette idiote de rivière, que je rentre nourrir mon chat ? Non d’un canard empaillé !
Elle entendit, un long soupire…
— Tu vois dit la rivière, toi le vent, tu te crois toujours le plus fort, mais une nouvelle fois tu te casses les dents. Rappelle-toi quand tu assassinas ce pauvre chêne majestueux et dans le même temps, tu n’as pas eux raison d’un pauvre petit roseau penchant ! Là c’est la même chose, cette vieille chenue n’a pas cru à tes sornettes. Moi, je me retire.
La rivière se calma d’un coup, la vieille put traverser et allez nourrir son chat qu’elle entendait miauler au pas de sa porte.

J.F.M.

J François M