Destination : 125 , Voyager autrement


OCEANO NOX

Nous débarquâmes avec difficulté sur l'île. Une houle inexplicable s'était soudainement formée alors que nous étions à quelques encablures de ce minuscule bout de terre, seulement fréquenté par les oiseaux marins. Des spécimens rares de végétation survivaient dans les failles des rochers. « Vous êtes certaine de vouloir descendre ? » Avait demandé le capitaine du GHOST, un modeste bateau qui lâchait d'île en île des touristes amoureux de nature sauvage. HADRIEN, jumelles autour du cou, livide, allait répondre et pressentant son renoncement j'avais répondu crânement : « Absolument ! ».

Nous vîmes le GHOST s'éloigner, ballotté par une mer hargneuse. Il devait revenir dans deux heures ce qui nous laissait grandement le temps de visiter l'île. HADRIEN était furibond, moi je notais l'étrange calme qui planait sur cette terre perdue alors que tout autour les éléments se déchaînaient. « Tu déplies ta carte oui ou non ? ». J'étalais la carte de l'île sur les cailloux. C'était un cadeau du capitaine du GHOST. Le document se révélant à peine lisible, je sortis mon stylo-plume afin de réécrire les informations. Horreur ! mon stylo-plume vomit d'un seul jet son encre noire sur la carte. HADRIEN fulminait « Mais qu'allons nous faire ? Tout çà c'est de ta faute !» Moi, j'étais triste : c'était le stylo-plume de mon père. Je fis remarquer à HADRIEN que l'encre répandue avait la forme d'un point d'interrogation. « Ma pauvre fille ! J'en ai assez. Je te laisse à tes élucubrations. Je fais le tour de l'île. Rendez-vous ici dans deux heures. » Il partit à grandes enjambées furieuses.

Je regardais le paysage avec attention. Une ombre semblait grandir entre deux falaises. Une curieuse nuit s'installait à cet endroit qui, sur la carte, avait été englouti par l'encre. Allais-je réussir à trouver une sente qui puisse me permettre d'atteindre la crique que je discernais entre les falaises ? Je descendais sans réelles difficultés trouvant toujours sur la parois rocheuse arêtes et anfractuosités. Je sautais enfin sur le sable gris de la crique. Deux grands cormorans, dérangés, s'envolèrent en criant. Un vieil homme était assis dans les restants d'une barque délabrée. Il dessinait avec les barbes d'une plume d'oie trempées dans l'encre de Chine. Il dessinait des vagues gigantesques, un bateau en perdition. Je ne l'ai pas abordé afin de ne pas le déranger. Je savais que le dessin terminé, tous les éléments s'apaiseraient. En remontant la parois, j'ai récité : « Oh ! Combien de marins, combien de capitaines qui sont partis joyeux pour des courses lointaines, dans ce morne horizon se sont évanouis ? ... ».



FIN

EVELYNE W