Destination : 123 , En solo


J'ai dansé le fiasco dans vos bras



Le slow et moi, c’est aussi tragique que l’union d’un bel ascenseur à un vieux claustrophobe, du bouton d’acné à l’idéal visage d’ange ou de l’oignon fraîchement coupé à mes yeux verts grand ouverts.

A dire vrai, je ne suis ni claustrophobe ni ange. En revanche, ces couples sur la piste de danse me donnent envie de chialer, comme cinquante oignons fraîchement coupés. La musique a cimenté leurs corps. Face à face, paupières baissées, mains sur les épaules musclées ou les bassins ondulés. Ils sont amoureux, amoureux fou. Un imbécile fredonne. Love, still love, always et forever. Une dizaine de sangsues sur la piste suent. Jacques et Suzie se détachent de quelques millimètres pour prendre leur élan, leurs bouches s’ouvrent baveuses, leurs langues se déploient, s’agitent, un filet de salive dégouline sur leur menton ; c’est dégueulasse ! Je me colle au bar, commande un cocktail explosif au barman excité. Pas le temps de causer. Il pose le verre devant moi et part à l’opposé. Un couple s’installe à mes côtés. Infamie ! Je me tourne vers la piste des horreurs d’où sort une silhouette. Gérard. Il me fait la bise. Ses joues sont en sueur.

- Salut euh, … Julie. T’as pas vu Gladys ?

- Non.

- Tant pis. A la prochaine.

La prochaine quoi ? Je descends ma boisson d’une traite. Faut que je rentre. Moi, je préfère le tango. Le slow, c’est dégradant ! Je fais une pirouette vers le comptoir et ouvre la bouche pour dire au revoir. A qui ? Pas le temps de me répondre, je reçois une douche sur la tronche. Mes cheveux, mes bras, mon jean, mes mains, je suis trempée. Ca pue l’alcool. Whisky ? Qui a lancé ? Quelqu’un siffle. Deux vigiles déboulent et se précipitent à côté de moi, le couple braille dans tous les sens. La jeune femme gifle son compagnon. Elle crie, il l’insulte. Le barman ramasse les verres vides à proximité. Les vigiles traînent le jeune homme en dehors de la boite. La jeune femme descend sa jupe à mi cuisses, ramasse son sac par terre. La jupe monte, elle la redescend. Elle s’assoit, la jupe remonte. Le barman lui propose un autre verre. Elle souffle et remet ses cheveux en arrière. Elle lève de grands yeux humides et de son plus beau sourire, lui murmure quelque chose. Je suppose qu’elle accepte l’offre puisqu’il prépare un whisky coca. Il le pose devant la jeune femme qui essuie ses dernières larmes. Il s’approche de moi. En essuyant le comptoir avec un torchon, il s’écrit, le regard fixé sur son comptoir :

- Non mais vous avez vu ça ?

cathy-laure