Destination : 148 , En ville d'Ailleurs


Saisons urbaines



C'est une ville endormie qui s'éveille à l'arrivée des hirondelles. Des frimas, elle veut se dépouiller et voir sortir de terre tulipes, narcisses et autres jacinthes. Des forsythias en fleurs illuminent les bosquets et font la joie des promeneurs qui déambulent dans les allées des parcs. Des immeubles, les cheminées fument encore, finissant de chasser l'humidité par des volutes blanches et chaudes. Les rues s'animent au gré des passants qui prennent plaisir à s'attarder au hasard de rencontres fortuites. La douceur de l'air annonce un renouveau et la population toute entière veut y participer. Les places retrouvent les pigeons et leurs irréductibles gaveurs, les terrasses des cafés se voient réinvesties. Les fleuristes proposent des bouquets aux multiples couleurs au profit des nombreuses célébrations du calendrier. La musique, même, se fête dans toutes les artères et, jusque dans le moindre dédale, on entend évoluer les accents mélodieux des instruments.



C'est une ville assommée par la chaleur estivale. Des cohortes de touristes la sillonnent de monuments en musées, de boutiques en lieux réputés. Les fontaines offrent leur onde claire aux flâneurs échauffés et les parasols bariolés des cafetiers prodiguent un bienfaisant ombrage. Si les avenues sont riches d'une foule éclectique, les quartiers plus modestes ont aussi leurs amateurs de quiétude urbaine. On y retrouve couramment des anciens qui jouent aux cartes sous le couvert d'arbres centenaires de petits squares. Villages dans la cité, il fait bon y vivre et les promeneurs y sont volontiers accueillis. La richesse y est humaine, nul besoin de devises. Le temps coulent lentement dans ces lieux de vie tranquille où tous se connaissent. Et dans la relative fraîcheur des soirées, les nationalités se retrouvent, se mêlent et s'apprivoisent aux rythmes de folklores divers et variés.



C'est une ville mordorée qui déroule ses tapis de feuilles. Les journées, bien que raccourcies, offrent une douceur ambiante et la population laborieuse profite de cette éphémère clémence. Partout l'on s'active : les haies sont taillées, les arbres élagués. Les ouvriers se dépêchent de finir les chantiers et dans les vitrines, les mannequins sont habillés de vêtements de laine et de chaussures fourrées. Pour le plaisir de tous, les salles de spectacles dévoilent leur programme par de grandes affiches placardées sur leur façade. Pièces de théâtre, concerts et prix littéraires captent l'attention des passants au fil des publicités rencontrées. Puis vient le temps des citrouilles sur les étals des marchés et, sur les places publiques, les chrysanthèmes fleurissent les jardinières de leurs pétales aux couleurs vives. Dans les cours d'écoles résonnent les cris d'enfants qui, insouciants de la grisaille à venir, jouissent pleinement de leur récréation.



C'est une ville transie qui frissonne dans le vent glacial. Les passants, emmitouflés de la tête aux pieds, marchent prudemment pour ne pas chuter. Les plus jeunes, eux, s'adonnent au plaisir de glissades effrénées dans des rigoles gelées. Ici et là, des marchands ambulants font griller des marrons et les gourmands se brûlent les doigts en craquant les coques durcies. L'effervescence des fêtes passée, ne reste que les rues tristes sans leurs parures scintillantes. Les boutiques affichent clairement leur volonté de se défaire de leurs articles et les acheteurs se pressent en vue de bonnes affaires. Le ciel gris voit s'élever les fumées des habitations tandis que les immeubles de verre renvoient faiblement les rayons d'un soleil blafard. Découragés par la froidure extérieure, les plus fragiles se postent derrière leurs carreaux dans l'attente de jours plus légers. Ils n'auront pas longtemps à attendre, le temps passe si vite !

LYDIE F