Destination : 185 , Silhouette
Une fois n'est pas coutume, je vais vous conter une histoire en préambule. Une histoire vraie et quelque peu méconnue.
C'est l'histoire d'Etienne de Silhouette qui naquit à Limoges en 1709 où son père était en poste, receveur des tailles. Etienne s'intéresse à la philosophie et la littérature mais a peu d'espoir de par sa naissance modeste de briguer plus tard un poste important. Erreur.
Conseiller au parlement de Metz puis maître des requêtes, commissaire pour la fixation des limites en Acadie, commissaire du roi près la compagnie des Indes, il devient enfin contrôleur des finances en mars 1757.
Il entame tout de suite des réformes et fait entrer 72 millions dans le trésor, mais il veut aller plus loin avec des idées novatrices pour améliorer le budget difficile de la France. Parmi ses mesures il y a un impôt qui serait proportionnel à la fortune et qui toucherait les plus aisés, une autre mesure viserait à réduire les dépenses de la maison royale. En novembre de la même année, désapprouvé, il est contraint de quitter ses fonctions.
Vous le savez, son nom est devenu un nom commun "silhouette". (antonomase).
Ce qui est intéressant c'est que l'histoire d'Etienne de Silhouette est assez sujette à controverses et j'avoue que j'ai parfois privilégié arbitrairement une source par rapport à une autre.
Suite à ses tentatives de réforme avortées, toutes les modes "originales" sont rebaptisées à la Silhouette, les élites et autres gens de cours se gaussant à l'envie et ridiculisant l'ex-contrôleur. Ainsi, un modèle de culotte sans gousset (ne permettant pas d'y mettre une bourse) ou encore un modèle de pipe rustique en bois brut, furent baptisées "à la silhouette".
A cette époque une autre mode est en vogue: celle des portraits réalisés à partir de l'ombre d'une personne. On dit même qu'Etienne de Silhouette trace sur les murs de son château les contours de ses invités.
Etienne de Silhouette fut probablement une des premières victimes d'une campagne de déstabilisation médiatique et politique moderne. C'est ainsi qu'il restera parmi nous, donnant son patronyme à un art existant probablement depuis la nuit des temps.
L'art des portraits sous forme de silhouette se développera beaucoup dans toute l'Europe, où des artistes seront reconnus, mais étrangement, peu en France. De manière analogue les ombres chinoises suscitent engouement et admiration. Avant de nous rapprocher de la destination, je rapporterais en écho à cette histoire, l'allégorie* de la caverne de Platon.
* éthymologiquement: "une autre manière de dire".
Source wikipédia :
Dans une demeure souterraine, en forme de caverne, des hommes sont enchaînés. Ils n'ont jamais vu directement la lumière du jour, dont ils ne connaissent que le faible rayonnement qui parvient à pénétrer jusqu'à eux. Des choses et d'eux-mêmes, ils ne connaissent que les ombres projetées sur les murs de leur caverne par un feu allumé derrière eux. Des sons, ils ne connaissent que les échos. « C'est à nous qu'ils sont pareils! »
Que l'un d'entre eux soit libéré de ses chaînes et accompagné de force vers la sortie, il sera d'abord cruellement ébloui par une lumière qu'il n'a pas l'habitude de supporter. Il souffrira de tous les changements. Il résistera et ne parviendra pas à percevoir ce que l'on veut lui montrer. Alors, Ne voudra-t-il pas revenir à sa situation antérieure ? S'il persiste, il s'accoutumera. Il pourra voir le monde dans sa réalité. Prenant conscience de sa condition antérieure, ce n'est qu'en se faisant violence qu'il retournera auprès de ses semblables. Mais ceux-ci, incapables d'imaginer ce qui lui est arrivé, le recevront très mal et refuseront de le croire : « ne le tueront-ils pas ? ».
La destination est bientôt en vue.
Nous allons nous essayer à l'art de la silhouette par écrit. Comment ? Une silhouette ne reproduit que les contours de son sujet, mais cela suffit, si l'artiste est habile et s'il sait choisir le bon angle pour son sujet. Qu'est-ce que cela donne pour un texte? Il faut prendre un sujet qui pourra être un personnage et en décrire les contours : ne pas le décrire tel qu'on
le verrait mais par touches qui l'approchent. On peut par exemple pour une personne décrire un geste particulier puis une intonation de voix, le choix d'une paire de chaussure, son goût pour la lecture des magazines de jardinage, etc...
A vous de nous dessiner une silhouette à votre manière. Votre texte peut tout à fait conter une histoire dans laquelle vous présenterez, le moment opportun, une silhouette.
N'hésitez pas à dessiner la silhouette d'un sujet autre qu'une personne: un groupe, un sport, une mode, un pays, etc... Tout l'art de la silhouette est dans la simplicité et dans la suggestion. De nombreux romanciers en usent, présentant seulement quelques détails choisis d'un héros, les distillant au fil de leur texte, croisant plusieurs types de silhouette
mêlant nos sens...
J'en entends qui murmurent "que vient faire l'allégorie de la caverne de Platon?".
Que les philosophes me pardonnent, j'en fais un usage très personnel, éloigné
des interprétations classiques. Elle est là pour plusieurs raisons : la première est que nous ne nous connaissons que par textes et écrans interposés ce qui est peut-être une version moderne de la caverne de Platon ; la deuxième est que les textes que nous écrivons dans
cet atelier sont peut-être des éléments que nous rapportons de notre monde vers celui de ceux qui sont dans la caverne, vont-ils accepter ces éléments ? J'entrevois d'autres raisons encore, mais trop confuses, et je crois que je me suis déjà bien fait plaisir au cours de l'énoncé de cette destination.
J'ai conscience que sa présentation paraît plus difficile et déroutante que la précédente, mais lorsque je l'ai rencontrée, j'ai tout de suite pensé à vous en me disant que vraiment, il fallait que je vous la présente !
Tous mes vœux !
JFP
