Destination : 192 , Un Jour neuf *


Une bien étrange destination que voilà. Je me suis souvent intéressé
pour diverses raisons aux gens « différents ». Ainsi, les autistes, ces
personnes qui souffrent de troubles de la communication m'ont toujours
ému. A la fois parce que je trouve leur maladie terrible : ne pas
arriver à échanger avec les autres, à la fois parce que nous souffrons
tous un peu de peu ou mal communiquer. Chaque fois que j'ai rencontré
des « autistes » (je n'aime pas trop ce mot car il regroupe trop
facilement un océan de cas différents) j'ai été étonné de pouvoir plus
communiquer que je ne l'aurais cru et aussi de leurs réponses à mes
questions ou de leurs questions...

Où est-ce que je veux vous amener ? A faire un petit tour avec un
autiste très particulier : Daniel Tammet. Ce britannique a écrit un
roman autobiographique émouvant et passionnant « je suis né un jour
bleu ». Son livre a connu un grand succès et peut-être l'avez-vous lu
aussi. C'est difficile à résumer : Daniel est né différent, il a eu du
mal à entrer en contact avec les autres et son monde est peuplé de
chiffres, de nombres que sa mémoire est capable de stocker à l'infini.
Daniel Tammet, voit les nombres dans son esprit, il y a des nombres
gentils, ventripotents, des nombres d'une beauté troublante (les nombres
premiers), les nombres sont ses amis, ils le rassurent, il peut les
manipuler et du matin au soir l'accompagnent. Daniel a également
développé d'autres capacités exceptionnelles : apprendre des langues en
un temps record, calculer de manière prodigieuse.

« Mon expérience visuelle et émotionnelle des nombres correspond à ce
que les scientifiques appellent la synesthésie. Il s'agit d'une
confusion neurologique des sens très rare, le plus souvent de la
capacité de voir les lettres et/ou les nombres en couleur. Ma
synesthésie est d'un type inhabituel et complexe, car les nombres
m'apparaissent comme autant de formes, de couleurs, de textures et de
mouvements. [...] »

Cependant la vie de Daniel n'est pas toujours simple, il ne peut se
concentrer pour conduire, prendre un moyen de transport en commun est un
grand stress pour lui, etc... Une anecdote que j'adore : Daniel ne
comprenait pas que dans une grande bibliothèque il n'y ait pas un livre
qui porte son nom ; il lui fallut longtemps pour comprendre qu'il
fallait qu'il écrive un livre pour que ce dernier porte son nom.

Comment faire un atelier avec cette expérience ? Puisque Daniel est
parvenu avec sa manière de penser à écrire les choses comme nous les
comprenons, nous pourrions nous inspirer de sa manière de penser pour
écrire.

Daniel associe beaucoup de caractéristiques aux nombres, des sentiments,
des couleurs, il peut les voir sous forme de paysage, etc... Les nombres
lui racontent des histoires, racontez-nous des histoires avec vos
nombres, votre année de naissance « 1953 » est un tigre parce que le 3
porte des griffes, parce que ce nombre est félin, comme tous les nombres
commençant par 19, etc...

Vous me connaissez, cette porte ne sera pas la seule pour entrer. Il y
en a d'autres, plus celles que vous trouverez. Ce qu'il fait avec les
nombres, vous pouvez le faire avec les mots : les un, la, les sont
mesquins parce qu'il leur faut des noms qu'ils parasitent, les verbes à
l'infinitif sont paresseux, surtout ceux du premier groupe...

Ces exemples ne sont à mon avis qu'une infime possibilité de ce qui peut
être fait parce que tout peut-être fait ! Je ne sais pas comment décrire
un paysage numérique ou s'il faut prêter des qualités aux lettres mais
je suis sûr que certains d'entre vous trouveront des solutions !

Je pense que ce principe d'affecter d'autres caractéristiques à celles
qui sont habituellement réservées à un champ peut être généralisé, on
doit pouvoir parler du langage des couleurs, du caractère des végétaux,
de la vie des métaux (bon, on quitte un peu beaucoup l'idée de départ,
c'est vous qui voyez).

« Pas d'idée, ô amies élégantes du réseau ;

comme une tâche délicate obsédante

circule gentiment sur ma vie.

Galopant avec Daniel,

un Tammet fils qui eut beaucoup mal ;

je formule fièrement

cette allocution

et parviens amélioré ».

Ce petit exercice est un poème que je dédie à tous les autistes, chaque
mot, par son nombre de lettres représente une décimale de Pi.

Il y a les 35 premières décimales de pi
(3,14159265358979323846264338327950288)

* pourquoi un jour neuf ? Parce que les neufs sont bleus et que Daniel
est né un jour bleu !

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