Destination : 220 , Des chats et des hommes


Comment vous présenter cette nouvelle destination ? Je crois que je vais commencer par vous raconter que j’ai récemment entamé une relation singulière avec un chat. Il s’appelle Junior (Juju) et sa maîtresse dit que c’est mon fils. Au départ, je n’ai pas trop prêté attention à cette histoire charmante que créait ma compagne. Je me disais que si cela lui plaisait après tout c’était drôle. Et puis au fur et à mesure de mes rencontres avec ce chat de gouttière tout ce qu’il y a de plus classique et bien français, nous nous mîmes à apprendre à nous connaitre, à nous parler, à échanger des choses sur nos vies.
Au départ, que des choses plutôt banales, sur le temps qu’il fait, sur notre état de forme… Il a été patient, poli, me vouvoyant puis rapidement passant au tutoiement sans jamais tomber dans la familiarité, toujours plein de tact et d’humour. Ce que j’aime le plus ce sont nos discussions philosophiques…
« — Comment vas-tu Juju ?
— Pas trop mal, j’ai une patte qui me fait un peu mal…
— Ne commence pas à te plaindre, tu es en pleine jeunesse, tu peux profiter de la vie !
— Possible, c’est sûr que j’ai plutôt une vie enviable, papa !
— Hihihi, cela me fait toujours rire quand tu m’appelles papa. Tu ne te sens pas trop prisonnier de ta vie de chat ?
— Un peu, c’est vrai que j’aurais aimé devenir un jour papa, moi aussi, mais depuis l’opération de l’année dernière… Remarque que cela m’enlève aussi un tas de problèmes, plus besoin de me battre… et je peux quand même avoir des copines...
—Ah oui, c’est comment les amours de chats ?
— Je ne sais pas si tu peux comprendre, c’est quelque chose de doux et de poétique, il faut être patient mais présent, avoir de l’humour et surtout savoir faire le clown, les chattes adorent les numéros de funambulisme hasardeux…
— Tu m’en diras tant ! … »
Bon j’arrête là mais vous ne pouvez pas savoir tout ce qu’on se raconte tous les deux.
Bien sûr, il ne sera pas question de circonscrire cette destination aux chats (quoique…) mais elle sera ouverte à toutes les relations entre hommes et bêtes. Le cœur de cette destination sera les relations hommes – animaux qu’il conviendra de traiter de la plus libre des façons. Une destination antérieure avait été de se mettre à la place d’un animal, là, c’est différent, nous sommes dans les interactions inter-espèces. Comme je l’illustre dans mon exemple farfelus mais authentique, il n’y a pas lieu de forcément convoquer la science pour écrire quelque chose de crédible ; plus que le crédible, il faut écrire le vrai.
Nombreux sont les écrivains qui ont mis de l’animal dans leurs textes, dans leurs histoires. De Murakami qui a lui aussi un personnage qui parle aux chats (Nakata, dans « Kafka sur le rivage ») en passant par « la planète des singes » de Pierre Boule… Cela me fait penser que j’ai très envie depuis longtemps de lire « le lièvre de Vatanen » du finlandais Arto Paasilinna : c’est l’histoire d’un journaliste qui lâche tout après s’être lié d’amitié avec un lièvre (quelle bonne idée !).
Pour tout vous dire, l’idée de cette destination m’est venue en lisant un article très sérieux « l’intelligentsia animale » dans Books de janvier 2016. Il nous résume un livre « Au-delà des mots : ce que pensent et ressentent les animaux » (Beyond words : what animals think and feel. Henry Holt) On y apprend que les dauphins ont conscience du deuil humain, que l’éléphanteau pique des colères d’enfant gâté, que les chefs loups sont d’habiles politiciens, etc…
Finalement, l’homme est un animal comme les autres !

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