Destination : 334 , En Absurdie


J’ai failli intituler cette destination « voyage en Absurdie » mais j’ai découvert que c’était le titre d’un livre et que je ne ferai pas allusion à ce livre.

L’Absurdie, c’est le pays (imaginaire ?) de l’absurde. Qu’est-ce que l’absurde ? Pour moi, c’est ce qui n’a pas de sens où un sens qui nous échappe, un sens contraire au bon sens. Bref, sans sens et sans essence ?

En ces temps troublés pour des raisons que je ne déploierai pas ici, il me semble que souvent nous baignons dans un océan où les côtes de l’Absurdie ne sont pas loin… Chaque jour, en ce moment, je m’amuse à noter quelque chose que je trouve proche du non-sens ou de l’absurde.

Figurez-vous que ce n’est pas si facile que cela et que sans nous en apercevoir nous pouvons être des Absurdiens malgré nous : en répondant à une enquête, en faisant certains gestes, en appliquant des consignes…

L’absurde est aussi une tradition littéraire avec certains maîtres français. Je citerai ici en premier Alfred Jarry avec son célèbre « Ubu roi » où l’auteur mêle parodie, humour, potacheries, absurde et satire. La pièce fit scandale à la toute fin du XIXème avec son « merdre » retentissant à tout bout de champ. Il fut le précurseur d’un théâtre qui allait devenir celui de l’absurde, au tournant de la seconde guerre mondiale, avec des auteurs devenus des références : Ionesco, Genet, Beckett ou encore Pinter. Traitant essentiellement de la chute de l’humanisme et de l’absurdité de la vie, en voici quelques caractéristiques :
- des personnages renvoyés au rang de pantins,
- une disparition / déshumanisation de la communication,
- une décohérence des scènes entre elles et de l’intrigue

Parfois, les auteurs de l’absurde iront plus loin : déstructuration du langage, théâtre non verbal…

J’ai été frappé de lire au cours de mes recherches pour cette destination que des œuvres telles que « l’Etranger » d’Albert Camus ou « le désert des Tartares » de Dino Buzzati, qui figurent en haut de la pile de mes romans préférés, étaient des romans illustrant l’absurde. Quoi de bien étonnant finalement, car ces œuvres mettent en scène des hommes qui paraissent ne pas avoir prise sur leur vie, leur destin, pris dans une existence dont ils ne saisissent pas le sens.

Qu’écrire à partir de cela ? Je dirais volontiers que tout est possible puisque tout est absurde et que rien n’a de sens ! Mais ce ne serait pas vous aider !

Je vous propose deux entrées différentes suivant l’angle que vous choisirez.

Première entrée : le monde que nous vivons. Observez-le, à travers les situations que vous vivez, celles que vous avez en mémoire, les médias… Nul doute que vous y trouverez des situations où vous trouverez de l’absurde. Vous pourrez soit les enchaîner dans un texte (sans forcément chercher de cohérence) soit vous concentrer sur une situation suffisamment riche pour vous ayez envie de la développer. Tout peut-être bon pour votre projet : du temps déréglé au dialogue décousu avec votre voisine en passant par une publicité décérébrante pour un SUV… Tout peut confiner à l’absurde si l’on choisit les instruments philosophiques adéquats.

Deuxième entrée : le monde que vous créez. Tel un auteur de théâtre de l’absurde, vous mettez en scène les pantins que vous piochez dans un pseudo-hasard au fond de votre imagination. Puis vous les articulez, les déplacez, les faites communiquer (ou pas) pour écrire votre texte sans trop chercher à produire de sens. Ce n’est pas si facile. Je me souviens d’une tentative de pièce que j’avais débuté où je mettais en scène un auteur, sa main, l’histoire, l’ombre et la couleur (personnifiées)… Le synopsis était pas mal, mais je me suis vite retrouvé dans une impasse : je crois que je produisais trop de sens, trop de cohérence dans une histoire qui méritait plus d’absurde… Tout cela pour vous dire que chercher le non-sens n’est pas quelque chose de naturel, que nous sommes conçus pour être intelligents, c’est-à-dire pour créer des liens, produire du sens. La recherche de non-sens ou d’absurde est du domaine de la création artistique, avec tout ce que cela implique de difficulté, de non-communicabilité d’un message que l’on veut tout de même adresser. Y compris si ce message est « il n’y a pas de message » !

Voilà, la boucle absurde est bouclée, si vous êtes désorienté, j’ai réussi mon tour, vous êtes Ailleurs, au cœur de l’Absurdie !

Petit clin d’œil, un extrait de la chanson de Michel Sardou « être femme » :

« Dans un voyage en Absurdie que je fais lorsque je m'ennuie
J'ai imaginé sans complexe qu'un matin je changeais de sexe
Que je vivais l'étrange drame d'être une femme... »

JFP

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