Destination : 87 , Vous !


Ne vous laissez pas prendre au piège par l’intitulé de cette 87ème destination. En effet, s’il est écrit « vous » ce n’est pas de vous ateliériste qu’il s’agit, mais du lecteur, tout lecteur ou un lecteur particulier. Il ne vous faudra donc pas parler de vous (quoi que) mais vous adresser au(x) lecteur(s).
Je prendrais comme exemple une partie de chapitre d’ « un roman russe »* d’Emmanuel Carrère**. (Merci Aimée au passage de m’avoir fortement conseillé sa lecture). Le passage en question évoque un jeu érotico-pornographique *** entre l’auteur et sa bien aimée à qui il donne rendez-vous dans un TGV La Rochelle-Paris un jour de juillet 2002 par l’intermédiaire du journal Le Monde qui publie ce jour-là sa nouvelle.
Dans cette nouvelle, outre le jeu érotique qui est proposée à la lectrice et destinatrice, l’auteur fait le pari de s’adresser de manière interactive avec son lecteur : il lui demande faire des choses, de s’arrêter de lire, d’avoir des pensées précises…
Ce que je vous demande est du même ordre : adressez-vous au lecteur et rendez le acteur. Comment ? Là, ne m’en demandez pas plus, c’est maintenant votre domaine.



* Pour une fois, je vais m’attarder à vous écrire une certaine critique de ce livre. Pourquoi ? Parce que cela m’est nécessaire, parce que ce livre a provoqué beaucoup de sentiments contradictoires :
- admiration / dégoût : j’admire la vérité et la mise à nue qu’écrit l’auteur, mais son nombrilisme m’écœure.
- courage / lâcheté : là aussi E. Carrère sans pudeur nous montre toute sa faiblesse et sa petitesse d’homme orgueilleux qui va perdre sa bien aimée. Mais quel courage que de ne pas avoir peur de se montrer avec le mauvais rôle ( à moins que ce ne soit du masochisme ?)
Tout le livre est comme cela plein d’ambivalences. Il n’obéit à aucun plan ce qui lui donne un aspect chaotique comme l’est la vie. Il y a plusieurs histoires imbriquées les unes dans les autres… Si l’on est curieux on peut aller sur internet pour vérifier des faits racontés par l’auteur : tout est vrai. C’est écrit avec les tripes ce qui fait que c’est porteur d’authenticité mais c’est aussi parfois dérangeant, on a l’impression que l’auteur nous invite à une intimité qui n’est pas la notre. Enfin, ce livre est porteur dans sa trame et dans toute sa narration d’un thème essentiel : « le vécu, l’empreinte transgénérationnels ». C’est quelque chose qui nous concerne tous, c’est la façon dont notre vie est influencée par les faits vécus par nos ancêtres, même, (et surtout) si ces faits sont secrets. Dans « un roman russe » l’auteur part faire la paix avec son grand-père (tabou familial) qui hante de sa folie une famille entière.
Ce roman n’est pas exempt de tout reproche, loin de là, mais ses aspérités en font son charme. Je me demande juste si à la fin le grand-père n’est pas un prétexte à l’auteur pour essayer de se trouver et de devenir (enfin) adulte.
Je pourrais vous en parler longtemps encore, mais ce serait peut-être abuser…

** Emmanuel Carrère s’est auparavant fait connaître par « la classe de neige » et surtout, à mes yeux, par « l’adversaire », roman puissant et envoûtant, bouleversant de vérité qui nous conte la terrible histoire de Jean-Claude Roman. Cela fait des années que je tourne autour d’une destination en lien avec « l’adversaire ». Je sais que le déclic viendra un jour.
http://www.pol-editeur.fr/videos/index.asp?CodeAuteur=40 (extrait audio-vidéo de l’adversaire lu par l’auteur !)

*** N’achetez pas le livre uniquement pour cette nouvelle érotique. Elle ne fait que quelques pages. De plus, (heureusement j’ai lu d’autres avis similaires ) ce n’est vraiment pas ce qu’il y a de meilleur dans le livre, c’est même presque mal écrit, frisant le vulgaire… mais bon, je ne suis pas une femme. Je n’ai pu trouver de lien vers cette nouvelle intégrale. Par contre si vous cherchez, qu’est-ce que vous pourrez trouver comme commentaires, analyses freudienne… désolé.

Une dernière remarque pour la destination, pensez, pour ceux qui ont connus ce genre de livres « aux livres dont on est le héros » très en vogue dans les années 80 / 90 chez les ados d’alors.

Bon maintenant vous pouvez souffler et dire « beh qu’est-ce que je vais ben pouvoir écrire avec ça ! ».

Amitiés,
JFP

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