Destination : 228 , Ailleurs en musique


Children’s Corner

« Vite papa à la fenêtre ! » Il lève son visage fatigué, mangé par sa barbe noire que je n’aime pas, de son livre et me sourit timidement avec effort. Pauvre papa, il ressemble à un chat malade depuis que maman n’est plus là.

Il pousse mon fauteuil roulant en traînant un peu la jambe droite. Pauvre papa, il est comme un vieux jouet qui se casse un peu tous les jours. Ça me fait peur mais je ne dis rien.



Avant, avant le départ de maman il était tellement drôle et souple et fier. Que de bonnes images j’ai encore dans la tête. A l’époque, il laissait ses longues mains pâles danser sur le clavier. Il a poussé le piano tout au bout du salon et l’a caché sous une couverture foncée. La voix du piano est morte.



Oui, il est bien là le petit bonhomme de papier collé sur le mur de brique. Une grosse tête jaune-clair avec quelques cheveux sur le haut du crâne et un corps de nain. Je l’ai tout de suite aimé et je lui parle. Je lui ai raconté pour papa. Il dit que je dois être patiente que le bonheur reviendra. Je lui dis que parfois cela me met très en colère d’être coincée sur un fauteuil roulant avec mes jambes inutiles, il me répond qu’il comprend bien car lui au lieu d’être figé sur le mur, il voudrait bien danser, même s’il est de papier. Je l’imagine faisant des claquettes sur le toit, avec sa grosse tête il doit faire bien attention à ne pas être déséquilibré. Il me fait rire.



« Quelque chose te fait rire ma chérie ? » Papa s’accroupit près du fauteuil pour mieux me parler. « Oui ! le petit bonhomme de papier collé sur le mur de brique. Il est devenu un ami. Ce serait si bien, papa si vous pouviez inventer une musique pour lui. Vous vous rappelez tous les beaux airs que vous avez composés pour moi. Vous m’aimiez beaucoup en ce temps-là. » J’ai soupiré car j’avais mal au creux de la poitrine et j’ai failli me mettre à pleurer, une grande comme moi. J’avais la tête baissée et je n’ai pas vu que papa s’était relevé.



J’ai regardé en direction du petit bonhomme, j’étais inquiète, je m’étais épanchée, j’avais vidé mon cœur, cela pouvait être grave, les adultes sont tellement sensibles.

Et puis j’ai entendu la musique. J’imaginais les mains de papa qui courraient sur le clavier. Comme c’était entraînant et joyeux ! Une musique pour sauter, se déhancher, faire le grand écart et des claquettes !



Un rayon de soleil a brusquement illuminé le petit bonhomme de papier collé sur le mur de brique et c’est vrai, je l’ai vu danser.









EVELYNE W