Destination : 305 , Personnage ex nihilo


Ca, Moi et Surmoi sont sur le même bateau...

Comme d’habitude, ma mère raccroche la première. Je repose le combiné sur son socle, les sourcils froncés. Cette conversation me laisse un goût amer. Pourquoi faut-il toujours que la conversation tourne autour de ma sœur ?



- L’enfant sent monter les larmes. C’est pas juste… moi aussi j’ai besoin qu’on s’intéresse à moi…



- L’adulte raisonnable rappelle gentiment que ma sœur vient juste de se séparer de son conjoint et que ce n’est pas évident, avec les deux petits…



Ben quoi ? Moi aussi j’ai des difficultés en ce moment… Entre le boulot qui me prend la tête, les deux ados qui ne font que se chamailler et la petite dernière qui recommence ses crises d’angoisses à cause de l’école… Sans compter chéri qui fait des heures pas possibles et n’est pas très dispo pour m’aider depuis quelques semaines…



- L’enfant se sent seule et abandonnée…



- L’adulte raisonnable répond que, même absent, chéri est un homme affectueux et respectueux qui me soutient du mieux qu’il peut. Alors que, pour ma sœur, ça fait un moment qu’elle ne connait plus ça…



Ah ça, je suis bien placée pour le savoir !!! Qui c’est qu’on appelait cet hiver, pour pleurer et raconter les scènes invraisemblables, les crises de colère, les soirées de stress ? Qui c’est qui répondait toujours présente pour remonter le moral, redonner confiance, empêcher de sombrer dans la dépression ?



- L’enfant se dit qu’à force de ne pas s’intéresser à lui, il va en faire une vrai dépression. Et les autres verront bien et se sentiront coupables et ce sera bien fait pour eux ! (Na !)



- L’adulte raisonnable est effaré : on ne fait pas une dépression juste pour se venger des autres ! Surtout quand on a la chance d’être en bonne santé, d’avoir un travail épanouissant, une famille présente et aimante, un conjoint amoureux ! Cette scène devient ridicule…



Ridicule ? Ah oui ? Alors pourquoi papa et maman ont invité ma sœur au resto dimanche et pas moi ? Hein ? Ça montre bien qu’on compte juste sur moi, mais que moi, je compte pas pour les autres !



- L’enfant redouble de sanglots… ça a toujours été comme ça, c’est elle la préférée…



- L’adulte raisonnable se met en colère : ouh, ma fille, tu es bien ingrate ! Ta sœur, la préférée ? Et tout ce que tes parents font pour toi, ça ne compte pas ? Chaque fois que tu as besoin d’eux, ils répondent présent ! Ils sont toujours d’accord pour garder les enfants, même si tu les préviens au dernier moment. Ils t’ont pas invitée au restaurant ? La belle affaire ! Mais quand même, réalise qu’ils n’allaient pas t’inviter toute seule. Et cinq personnes, ce n’est pas la même chose qu’une… En plus, rappelle-toi que ta sœur venait de laisser les enfants chez leur père, elle ne devait sûrement pas avoir le moral.



… Bon, en fait, je me comporte comme une égoïste. Moi qui ne supporte pas cela chez les autres… Il faut que je relativise. La situation est difficile pour tout le monde, ma sœur, les petits, mes parents. Chacun doit trouver ses marques et je ne vais pas en rajouter avec mes caprices ! Au contraire, je dois les aider aussi du mieux que je peux… Je sais que mes parents m’aiment, mes sœurs aussi. C’est juste qu’en ce moment, ils ont d’autres soucis en tête…



- L’enfant renifle et sèche ses larmes. Son chagrin s’est apaisé et il a retrouvé confiance.



- L’adulte raisonnable est fière de ce comportement. C’est normal de se sentir parfois délaissé ou incompris mais il faut aussi savoir être objectif et apprécier ce qu’on a pour y trouver le bonheur…



LES 3 ENSEMBLES : je vais rappeler maman pour les inviter à déjeuner dimanche prochain…

myriam