Destination : 27 , L'incipit d'Antoine B.


...

Après la seconde guerre mondiale, les trains recommencèrent

à rouler, régulièrement !

Ce qui fut un bien pour tous les banlieusards habitués depuis

quelques années à se rendre à pied à Paris.



Les trains ne passaient que toutes les trois heures, entre deux

coupures de courrant, un sabotage de voie et un bombardement allié.



S'il y eut une résistance des braves c'est bien, d'après moi,

à la "SeuNeuCeuFeu" qu'elle eut le plus de virulence...



Colombes/Paris 7kms et vice et versa, nous le faisions ma

Mémé-chérie et moi, assez souvent.



Elle allait bon train, si je puis dire, poussant ma poussette

d'où je l'encourageais en chantant :

- La meilleure façon d'marcher c'est encore la nôtre, c'est de

mettre un pied d'vant l'autre et d'recommencer.



Nous avions pour mission de permettre à Claude - un jeune

résistant au S T O que mémé planquait chez elle - de se

restaurer et de se dégourdir les jambes sans attirer l'attention

des

voisins.



En arrivant rue Championnet on croisait la concierge :



- Vous venez arroser vos plantes madame Levasseur ! Mais je peux vous

rendre ce service ! proposait l'aimable bignole qui enchaînait

avec un questionnaire habillement mené sur la santé délicate

de Jeannette (ma mère), demandait des nouvelles d'Yvonne, ma

pauvre

tante qui bossait à Vichy, les ministères s'y étant presque

tous défaits les malles...



Mémé répondait évasivement, elle remerciait pour la

proposition d'arrosage, mais ne voulait pas obliger sa "chère

amie" à monter les six étages...

Le nez de la "chère amie " s'allongeait de dépit, cette fois

encore elle n'aurait pas, les clefs du "placard interdit"!



Mémé prétextait alors mon incontinence, (ce qui était

pure fiction),

Elle bisait la bignole, brisait là et m'entraînait vers les

six étages.



Nous les montions d'une traite tout en devisant sur la taille de mes

enjambées qui ne me permettait pas de monter comme elle, les

marches deux par deux.

Ce handicap me complexait. Mémé me promettait que j'allais

grandir...

Je demandais confirmation :

- Un jour je pourrai, hein! dis mémé ?

Elle riait et me répondait :

- Bien sûr tu le pourras! Tu le pourras aussi sûrement qu'un

jour, nous prendrons des trains qui partent.

Mado