Destination : 40 , Les enfants du capitaine Verne


Un billet de loterie

Comment j'ai gagné le gros lot ? C'est très simple.
Ma femme née sous x cherchait depuis longtemps ses origines. Elle se heurtait sans cesse à des refus administratifs et des pistes qui la laissaient désemparer aux portes de la maternité natale.

À 40 ans passés, elle en avait fait son deuil, dix ans au moins qu'elle ''en parlait plus comme une catastrophe. Nos propres enfants grandissaient, cela lui donnait une autre source de vie. Pourtant, Je le savais, au fond d'elle-même, être née sous x restera comme une blessure indélébile, et jusqu'à sa mort, elle se posera cette question « d'où je viens ? »
Un dimanche de printemps, nous nous promenions sur la terrasse de Montmartre.
Paris. A nos pieds s'étendait en une masse et grise dans un halo de pollution
qui rendait l'horizon bleu-gris.
Je vis la femme le premier. La ressemblance me frappa immédiatement, c'était le
portrait conforme de ma femme. La même coiffure blonde, mais décolorée, la
démarche, le regard, tout était là, elle semblait plus âgée, la soixantaine environ.
Elle admirait le panorama en compagnie d'un homme ventripotent, la camera en bandoulière. Ils avaient tout l'air de touristes américains. Je priais le ciel que ma femme ne la voit pas. Je m'éloignais en la prenant tendrement par le bras, pensant que cette ressemblance n'était qu'un hasard, je n'avais pas envie qu'elle retombe dans d'autre illusion. J'essayais de l'entraîner à l'intérieur du Sacré-Coeur.
L'Américaine se retourna à ce moment-là et elle ne pu ne pas la voire. Ma femme écarquilla les yeux.
_ Maman ! S'écria-t-elle
Je jouais l'étonné.
_ Regarde cette femme, tu ne trouves pas qu'elle me ressemble ? Je le sens, c'est ma mère.
_ Mais non tu te fais des idées !
_ Non, non, là j'en suis sur, c'est ma mère.
_ Mais tu vois bien que c'est une Américaine !
_ Et alors ? Elle a pu venir en France dans sa jeunesse, ce qui expliquerait
que je sois née sous x.
_ Oh je t'arrête ! Ne te crée pas un roman, je te répète qu'une ressemblance ne veut rien dire
_ Aborde là.
_ Pour lui dire quoi ? Je ne connais pas l'anglais, et elle a l'air d'être accompagnée d'un monsieur. Tu penses bien qu'elle niera.
_ Bon, j'y vais.
Elle aborda la femme, qui ne semblait ne pas comprendre. Ma femme insistait.
Nous finîmes par nous trouver à la terrasse d'un café.

Les Américains se lient plus facilement, nous connaissions ce couple depuis à peine deux minutes, le monsieur nous baragouinait déjà sa vie en un mauvais Français, ou il était question de famille et d'enfants. Il était grand, parlait fort, tout en regardant sa femme puis jetait un oil sur la mienne.
_ « Fautastique » ! S'écria t il avec son accent
Il sortit de son portefeuille une photo.
_ C'est ma fille ! Regardez, elle ressemble à votre femme, Fautastique ! Répétait-il
Je fis la moue, jouai au septique. « Peut-être. »
_ Mais si insistait-il, le même front, la bouche.
_ Elle ressemblerait aussi à votre femme.
_ Évidemment c'est sa fille.
_ Non ma femme !
Il ne répondit pas et rangea sa photo.
_ Vous êtes déjà venue en France ? Demanda ma femme
_ C'est mon premier voyage ! S'écria le bonhomme. Ma femme a déjà fait un séjour dans sa jeunesse quand elle était étudiante. Tout à l'heure elle m'a montré son ancien studio, pas très loin, rue Joseph de Maistre.
J'imaginais le cour de ma femme battre à tout rompre, mais comment aller plus loin dans la discussion sans la gêner devant son mari ?
_ Vous avez dû trouver le quartier changé ! Disait ma femme
_ Pas tellement, je m'y suis bien retrouvé.
_ Connaissez-vous Las-Vegas ? Demandais-je à l'américain.
_ J'y ai joué un jour et j'ai perdu, riait-il.
_ En France, nous jouons au Loto.
_ Au « yotou ? »
_ Venez.
Je le conduisis au comptoir du bistro, je lui fis acheter un billet, et lui expliquais le jeu. Tendis qu'il cochait des cases sur le carton, ma femme en profitait pour interroger son épouse.
Quelque qu'instant plus tard nous nous dîmes au revoir. Ils étaient pressés de rentrer à l'hôtel pour prendre leurs bagages, et se rendre à l'aéroport.
J'étais surpris que ma femme n'eut pas pris leurs coordonnés.
_ Alors ? Demandais-je pressé, devant le silence de ma femme ?
_ Non ce n'est pas ma mère, elle m'a dit que lorsqu'elle était étudiante,
elle avait bien eu une aventure avec un chanteur de jazz, mais il était
noir, il n'y eu pas de suite.
L'américain oublia sa grille du loto sur la table du bistro. Voilà messieurs les journalistes, comment j'ai gagné le gros lot !

J François M