Destination : 76 , Je suis un animal...


Mon biquet chéri,

Tu sais que j’ai une mémoire d’éléphant et que je n’ai rien
oublié de notre histoire. La première fois que je t’ai vu, ce fut un coup de foudre. Longtemps nous nous sommes croisés sans que tu fasses attention à moi. Je me sentais bête comme une oie et chaque soir je versais des larmes de crocodile. Mais tu le sais, je suis têtue comme une mule, je n’allais pas
rester planté comme une dinde.
Fine mouche, je me renseignais sur toi. Je tirais les vers du nez de ton entourage et j’appris que tu étais doux comme un agneau, fort comme un bœuf, mais que tu n’avais pas un œil de lynx puisque, myope comme une taupe, tu n’avais pas remarqué mes regards de crapaud mort d’amour. Je décidais alors d’entreprendre un travail de fourmi : te conquérir !
Ah là là ! Moi qui voulais devenir ta souris, ta petite caille, ta poule, ta biche ! Rien, jamais un regard ! Tu passais devant moi quatre fois par jour avec ton copain Jules. Je t’entendais rire comme une baleine et vous paraissiez être copain comme cochon. C’était à devenir chèvre ! J’avais le
bourdon, je ne dormais plus, je pensais qu’avec ton indifférence tu voulais noyer le poisson et me faire comprendre que tu ne serais pas le dindon de la farce. Je me suis dis alors, « Il est fier comme un coq, il ne fera pas le premier pas ! » Je te faisais donc parvenir par Jules un poulet doux pour te donner rendez-vous.
Un rendez-vous en tout bien tout honneur, je ne voulais pas t’effaroucher et te voir filer comme un lièvre. Il fallait employer des ruses de renard pour te faire croire que c’était grâce à toi qu’il y avait anguille sous roche.
Ah ! Te souviens-tu de ce premier rendez-vous ? J’avais soigné la présentation. J’étais un peu plate comme une limande mais j’avais du chien dans mon petit tailleur pieds de poule.
J’arrivais un peu en avance et je me disais « fais attention ne sois pas bavarde comme une pie, il faut lui faire croire qu’il est malin comme un singe et que c’est lui qui va faire le premier pas, ne pas le prendre pour un pigeon ! Retiens-toi, ne le dévore pas du regard …».
Je faisais le pied de grue depuis déjà deux heures et je ne voyais toujours personne, pas un chat !. J’arpentais de long en large la petite rue du restaurant «Manger la grenouille»
Et voilà ! Il m’a posé un lapin ! J’avais envie de brailler comme un âne en tenant un discours incohérent à une poubelle qui puait comme un putois, « Adieu veau, vache, cochon, couvée…. »
Vu l’heure tardive, la faune qui commençait à roder n’était pas encourageante ! De sacrés requins nageaient en eaux troubles Dans quel
guêpier m’étais-je fourrée ! Ah j’avais été vaniteuse comme un paon et j’enrageais d’imaginer demain les langues de vipère qui iraient bon train !
La colère montait en moi. Il allait voir l’animal ! Ce n’est pas à un vieux singe que l’on apprend à faire la grimace. Il est peut-être doux comme un mouton et je vais passer pour une sangsue mais j’allais lui dire son fait !
J’arrivais chez toi et carillonnais allègrement à ta porte pendant dix bonnes minutes. Quand tu m’as ouvert la porte tu n’étais pas frais comme un gardon ! Tu dormais comme un loir avec la grippe et une fièvre de cheval. Le regard bovin et larmoyant, tu soufflais comme un phoque et, ayant perdu ta
voix, tu étais muet comme une carpe !
Je ne suis pas peau de vache, il n’y avait pas de quoi cassé trois pattes à un canard ! Je réussis alors à t’apprivoiser et après quelques verres de Champagne, on avait un bon coup dans l’aile et nous étions gais comme des pinsons !
Aujourd'hui, vingt ans ont passé ! Non ne dit rien, ne soit pas chameau ! Laisse moi penser que nous roucoulons toujours comme deux tourtereaux.
Nous nous sommes tout de même frayés un chouette chemin, mon lion superbe et généreux !

corinne