Destination : 85 , Itinéraire assassin


l'oreiller

L'OREILLER

(ou petits conseils entre ami(e)s ?)



j'ignore comment vous faites, mais moi, c'est certain, un jour, non plus exactement une nuit, ce sera plus fort que tout, je ne pourrai plus résister!

Comprenez- moi aussi ! il est là, juste à côté, à porter de main, je me détends, je suis fatiguée, et le calme nocturne est assassiné par une myriades de ronflements, gémissements, claquement de langue grincements spasmodiques de dents dignes du plus vorace des vampires...
ensuite vient inopinément une apnée du sommeil : je compte les secondes, je me demande s'il va recommencer à respirer, s'il est judicieux de le secouer, si j'appelle les urgences, ou bien s'il convient de m'esclaffer et de me détendre, enfin libérée?
alors oui, une nuit, comprenez bien qu'un oreiller bien moelleux, , bien dodu, bien gonflé puisse prendre la liberté de très légèrement se déplacer vers la droite , vers ce dormeur impénitent et venir clore l'orifice qui émet de telles pollutions sonores,mettre ainsi fin à tant de bruits intempestifs et quelque peu écoeurants qui trois cent soixante cinq jours par an (je vous épargne les années bissextiles), m'offrent une irrémédiable insomnie chronique dont je ne sais plus que faire!
le croiriez-vous? il paraîtrait que je le dérangerais avec "ma lumière", dans ses ronflements, avec ma lecture silencieuse qui me permet faute de trouver l'endormissement souhaité de passer une nuit en agréable compagnie et de m'instruire, me divertir, réfléchir, m'évader de ce cadre sonore rédhibitoire , et de recycler culturellement ce temps solitaire malgré les apparences conjugalement trompeuses!
en quoi ma lecture pourrait nuire aux ronflements tonitruants du dormeur impénitent,et serait
un frein à la marche du temps qui passe lentement heure après heure, minute après minute,jusqu'au matin?
j'avoue que certains jours lorsque le réveil sonne et que l'homme se lève frais et dispos pour partir travailler, je pense "enfin!"
"enfin je vais pouvoir dormir!"
"enfin seul le chant des oiseaux bercera mes songes!"
et encore:
"Tiens, finalement, cette nuit encore j'ai su résister à l'irrépressible envie de L'oreiller!"
-Victoire?
-méditation?
-décision remise à plus tard?

-Morphée me cueille quelques heures trop brèves que je savoure avec délectation...
J’adore!

ce qui me turlupine, vous savez, c'est que j'ai essayé les coups de coude, évidemment, doux puis plus prononcés, les potions, la manière douce; je vous laisse imaginer...
Mais rien n'y fait, ronflements, raclements, grincements, retournements brusques accompagnées de borborygmes reviennent inlassablement.
Pourtant, il ne supporte pas que notre vielle chatte (ma préférée) vienne s'installs'il s'agit de la plus jeune, (sa préférée) , qui joue au gymkhana dans la penderie, les étagères, fait choir au passage le contenu entier de pulls, pyjamas, et autres accessoires fragiles, il n'entend absolument rien, (et c'est moi qui répare les dégâts au matin, sans parler de ma couette ou de mes petits dessus maculés de boue -quand il ne s'agit pas de restes de festins nocturnes (je vous passe les détails, mais

Elle est excellente chasseuse et aime à rapporter ses proies
À l'intérieur pour se valoriser auprès de son maître je suppose)...
donc lorsqu'il s'agit de l'autre, monsieur se réveille frais comme un gardon, n'ayant rien entendu, et moi j'ai eu double nuit d'insomnie !
Mais qui me croirait?

J'hésite donc désormais entre l'enregistreur pour fournir des preuves de ma bonne fois (mais le matériel dont je dispose n'est pas très performant),
Et entre le coup de l'oreiller ....mais je vous en ai déjà parlé...

Parfois, une dernière solution s'impose à moi, afin de ne pas craquer.
J’imagine la fuite silencieuse vers le clavier dans la pièce voisine; il est doux et relativement silencieux et me permet un temps d'oublier raclements de gorges, vibrations nasales, et autres manifestations spasmodiques du dormeur vieillissant qui se croit toujours jeune et bien entendu parfait sous tout rapport...
(-exclus dans un tel contexte, vous en conviendrez j'espère d'autant que tout recommence de plus belle ensuite!)

Encore, me dis-je, d'un amant de passage, on peut s'attendrir, sourire de ses défauts, on sait que rien n'est fatal ni définitif,
Mais d'un conjoint d'aussi longue exaspération, j'aimerais qu'on me dise Où est marquée la date de péremption, afin que je sache à quoi m'en tenir exactement...sur l'oreiller ?...
Le maire ne m'en a pas parlé. Le curé non plus.

Merci de compatir, et de m'épauler,
je suis SI FATIGUéE !


coralie

coralie de sezame