Destination : 92 , Dublin, le 16 juin 1904


Légende d'un jour

Le printemps avait été gris pâle, peut-être un peu argent de temps en temps ; tous les dublinois s’en plaignaient. C’était une habitude plus qu’une réelle contrariété. Parler du ciel en Irlande est une deuxième salutation à son voisin. Aujourd’hui, l’illumination des ruelles de la ville, même les plus sombres, amenait une sorte de gaîté chez les habitants les plus matinaux. Ce soleil de juin avait la particularité d’émouvoir, comme on est ému d’un premier sourire du nourrisson. Attendu, espéré depuis quelques mois, il réchauffait par sa présence plus que par l’effet voulu de ses rayons. Soit ! Il était encore trop tôt pour un discernement de chaleur, mais d’ailleurs, plus tard, il ne réchaufferait que de cinq degrés supplémentaires. Molly avait emprunté le radieux pour le calquer à son humeur. Sortant d’une majestueuse cour où son oncle, Padraig, y jardinait dans le quartier sud de Dublin pour le compte d’une riche famille absente, elle le quittait les bras chargés d’une caissette de fleurs qu’il lui avait fournie. Elle longea la baie, la caissette sous le bras droit pour une vente à la criée ; puis sous le bras gauche, puis sous le bras droit. Le minuscule jardin sous les aisselles était plus encombrant que pesant mais elle s’enthousiasmait de la beauté de ses jonquilles. Elle s’assit à coté de la grande tour qui bordait la baie, attendant son cousin Patrick, pour un retour au coeur de la ville. L’horizon sans fin lui donnait le vertige et une envie brûlante de partir. Elle se demandait s’il était accessible. Ce qu’il y avait au bout ? Des bavardages l’arrachèrent à sa rêverie. Ils provenaient du haut de la tour. Levant les yeux, elle aperçut les silhouettes de trois hommes sur la terrasse dont l’un d’entre eux semblait se raser, pour peu qu’elle arrivait à distinguer, les rayons du soleil fusillant ses pupilles. Elle n’arrivait pas à entendre non plus leurs paroles, pourtant, ce n’était pas faute de tendre l’oreille. Il lui semblait du gaélique et de l’anglais. Quand elle entendit le hennissement d’une jument et le tapage de roues brinquebalantes sur les pavés derrière elle. Patrick héla sa cousine sur le même ton qu’il appelait sa jument, à ceci près qu’il mettait peut-être plus d’affection dans l’appel à l’animal. Molly se retourna en soufflant vers son acariâtre parent et dans un râle gaélique, elle monta à l’arrière de la charrette pleine de bois. Molly avait le teint opalin. Sa petite frimousse enfarinée de poudre de lait s’émerveillait ou se refermait aussi facilement qu’une fleur sensitive, comme peuvent l’être les visages des jeunes filles de seize ans. Dernière enfant du clan Malone qui en comptait huit, elle n’était pas pour autant la plus gâtée. La plus curieuse, la plus attachante, la plus flâneuse, certainement ; la plus rêveuse, la plus romanesque et la plus imaginative, sans aucun doute. C’est sans surprise qu’elle vit un leprechaun monter à coté d’elle, à l’arrière de la charrette déjà en mouvement. Il sauta sur un tronçon de bois et s’installa, en souriant à la jeune fille.
- Et un petit bout de chemin avec toi ne te dérange pas, Molly ? demanda le personnage en gaélique.
- Comment vous connaissez mon nom ? Interrogea Molly, plus surprise qu’il connaisse son nom qu’il soit leprechaun ;
- Tout le monde connaît Molly Malone ! répondit-il et il se mit à fredonner la chanson populaire
In Dublin’s fair city,
where the girls are so pretty,
I first set my eyes on sweet Molly Malone
- Je ne suis pas la Molly de la chanson, interrompit la jouvencelle
- Ah non, mais tu vends à la criée ! Comme elle ! rétorqua le féerique petit homme. La, la lala lala crying cokles, and mussels continuait-il de plus belle sur l’air de la chanson
- Je ne vends pas de moules, je vends des fleurs….et je ne veux pas mourir de fièvre !
- Justement ! reprit-il les yeux sombres. Si tu ne veux pas finir comme elle, prend les choses en mains. Prends ça !
Il cherchait à l’intérieur de sa veste verte un objet qui apparemment ne s’y trouvait plus.
- Tu vas me donner un trésor ? interrogea Molly, le regard en ébullition
- Pas de sornettes Molly ! Je n’ai pas de trésor caché dans ma veste, ni au pied d’un arc-en-ciel ! Vois-tu un arc en ciel ? Et même si j’en avais….
Il était fâché. Tout ceux qu’ils rencontraient lui parlaient de son fameux trésor. Il referma la veste et ôta de son pied l’une de ses chaussures noires à boucles. Molly tremblait à cet instant car elle craignait de lâcher du regard son troublant interlocuteur. La légende disait que si on le quittait des yeux, il disparaissait. Elle craignait l’envie de surveiller son cousin, qui conduisait en sifflant tranquillement un air et une petite bouteille de whiskey.
- Tiens ! cria l’héroïque visage à coté d’elle
Il tendit un trèfle flétri, d’une taille un peu plus grande que d’habitude qu’il avait sorti d’une de ses chaussures.
- Que veux-tu que je fasse de ça ?
- Garde le, il te portera chance.
Molly contempla deux secondes le trèfle pour le prendre entre son pouce et son index, quand la vision du leprechaun avait disparu. Elle se retourna de tous les cotés, mais n’apercevait que son cousin, déjà un peu ivre, les rennes en mains, parlant à sa jument. Elle regarda plus loin, mais la charrette roulant déjà au cœur de la ville, le leprechaun avait pu se glisser dans n’importe quelle ruelle adjacente sur le chemin. Dublin se réveillait progressivement et les rues s’agitaient comme un essaim d’abeilles. La foule plus grande que le petit personnage l’avait englouti sans l’apercevoir. Plus grande que lui, mêmes les plus petits enfants le dépasseraient largement. Molly tenait fermement son trèfle dans ses mains. Après l’avoir examiné de plus près, elle ne lui voyait rien de magique. Un trèfle en Irlande, c’est une fleur de lys en France ; la représentation de son pays depuis que Saint Patrick l’avait utilisé pour symboliser la trinité. Quelle magie lui apporterait-il ? Fallait-il y voir une conversion religieuse à honorer ? Déconfite, Molly plaça son cadeau dans sa ceinture. Désenchantée jusqu’à en être mécontente car le trèfle avait même un défaut ; il avait quatre feuilles.

Patrick arrêta la charrette dans le quartier de Temple bar, au milieu d’une fourmillante animation populaire. Molly sauta sur l’inégalité des pavés, passa ses mains sur les plis de sa robe, rehaussa son décolleté afin de le rendre plus opulent et refit en deux tours de main la coiffe de son épaisse chevelure. Son chignon en pinacle, quelques mèches dégringolant de l’élévation, elle reprit sa caissette sous le bras - le gauche pour commencer - et remercia son cousin. Dodelinant du chef, il marmonna sans se retourner ; à peine leva-t-il une main pour la saluer et reprit sa traversée. Peu importait à Molly, elle avait d’autres préoccupations. Sortir son petit chariot de la maisonnette était un exercice de patience et de volonté tant la porte resserrait ses gonds au passage. Après avoir ajouté ses jonquilles toutes fraîches aux violettes de la veille, elle poussait le chariot millimètre par millimètre vers l’extérieur. Gaewen, apparut dans la rue, saisit la proportion déjà soustraite au pas de porte, et tira un grand coup. D’un bond, le chariot fut éjecté de l’embrasure.
- Woouh ! Merci Gaewen !
- De rien Molly, c’est un plaisir de te rendre service. Au fait, as-tu des casseroles à réparer ? ajouta le jeune homme.
Gaewen était un tinker. Il faisait partie de la communauté de ces hommes et ces femmes allant de village en village, et proposant leurs services pour réparer casseroles et autres récipients. Ils parlaient un dialecte spécifique où le gaélique occupait une large part.
- Non Gaew, tu sais, je suis tellement mauvaise cuisinière que je les crame toutes ! Elles deviennent inutilisables. J’empoisonnerais ma famille si ils me laissaient cuisiner, répondit-elle en riant
- Engage toi dans l’armée britannique dans ce cas, tu rendrais service à l’Irlande ! murmura le tinker
- Gaew, si quelqu’un t’entendait…
Molly balayait son regard sur la rue. Rien que des irlandais de souche tapissaient la venelle. Le quartier de Temple bar était suffisamment populaire pour que les anglais ne s’y aventurent guère. Mais savait-on jamais. Poussant son chariot, le sourire accroché aux lèvres, elle commença la criée :
« Jonquilles, violettes, qui veut des fleurs ? Achetez du bonheur ! »
Une horde de marmaille à la chevelure rousse, blonde et brune lui tournait autour, sautillant et braillant l’air qui l’énervait le plus.
« In Dublin’s fair city, where the girls are so pretty,
I first set my eyes on sweet Molly Malone »

- Sainmhíniú, répondait-elle à leur facétie,

« As she wheeled her wheel-barrow,
Through streets broad and narrow,
Crying, "Cockles and mussels, alive alive oh!"

- Sainmhíniú, criait-elle,
- Allez-vous en ! reprit-elle cette fois en anglais en apercevant un chapeau britannique. Les gamins détalèrent en hurlant, riant, et poussant un denier « alive, alive oh ! ».

Lorsque apparut sa chevelure rousse dans Grafton street, Molly égaya immédiatement l’artère avec son air de flamme vivante. Nul doute qu’elle était irlandaise. En discordance avec la majorité des passants, elle portait son identité avec fierté et audace.
« Jonquilles, violettes, qui veut des fleurs ? Achetez du bonheur ! »
Rapidement, quelques promeneurs se ruèrent car le soleil amenait la fête. Pour une irlandaise ou pour une anglaise, pour leur mère ou leur sœur, pour leur petite amie ou pour eux-mêmes, chacun respirait un instant la luminosité de la jonquille. C’était le soleil lui-même qu’ils tenaient dans leurs mains. Molly voyait son chariot s’alléger. Seules une jonquille et quelques violettes restaient plantées. Elle tourna en direction de Trinity College, espérant croiser ce jeune homme à la voix eurythmique et apaisante, qui lui achetait un bouquet à l’occasion.
« Jonquilles, violettes, qui veut des fleurs ? Achetez du bonheur ! »
Un regroupement de jeunes garçons embouteillait l’entrée de l’établissement. Trop de têtes, trop d’uniformes pour qu’elle puisse le distinguer. Pas de chance ! L’expression lui rappela son entrevue avec ce mystérieux leprechaun. Elle desserra sa ceinture pour en extraire le trèfle étrange qu’il lui avait offert à la place du trésor. Molly l’examina, dubitative. Comment fonctionnait l’herbe magique ? L’empressé du matin ne lui avait donné aucune formule à appliquer ni en gaélique ni même en anglais. Fallait-il le serrer jusqu’à l’étrangler tout en formulant son vœu ? Fallait-il le mâcher, le mastiquer, l’avaler pour qu’un peu de chance emplisse ses entrailles à jamais ? Quel sot ! Ce nain vert était un piètre donateur ! Jamais elle n’avait rencontré de créature féerique si incompétente !
Elle fut interrompue dans ses grognements par la voix, celle là même qu’elle espérait. Au bout de ce filet, un visage aux traits tout aussi réguliers lui souriait sereinement.
- Bonjour, je voudrai la dernière jonquille, s’il vous plait et un bouquet de violettes !
Ses paroles prenaient le ton d’une harpe ; doux, fluide, hypnotique.
- Oui, Monsieur. Voilà. Merci, Monsieur ! Et Vive le roi Edouard ! ajouta-t-elle.
Ce qu’elle trouva immédiatement idiot. Trop tard, la stupidité s’était lancée d’elle-même.
- Je ne suis pas anglais, vous savez. Je viens de New York.
- Ahh !
- Mais ma famille est d’origine irlandaise. Elle a quitté le pays lors de la grande famine, An Gorta Mór, en 1848. Comme beaucoup d’irlandais à cette époque, mes grands-parents avaient pris le bateau pour l’Amérique. Nous sommes un nombre incalculable là-bas, vous savez ?
- Vraiment ? Est-ce l’eldorado là-bas ? On raconte qu’on a qu’à se baisser pour trouver de l’or et que les gens sont libres et que….mais que faîtes-vous ici ?
Il rit. Jamais elle n’avait vu de dents si blanches et si régulières.
- J’ai voulu connaître le pays de mes grands-parents. Je suis professeur de mathématiques.
- Ahhh !
- Molly, Molly, Molly, viens vite ! Criait au loin une crinière si rousse qu’on l'aurait cru enflammée.
John, l’un de ses frères, arrivait haletant jusqu’aux deux jeunes gens. Il agrippa le chariot et le poussa rapidement pour entraîner sa soeur dans son reflux.
- L’oncle O’Connell a acheté sa parcelle de terre aux anglais. C’est à lui maintenant, tu te rends compte ? Une terre aux irlandais ! Une terre dans la famille ! Il fête ça au pub. Tout le monde y est. Une chance que je t’ai trouvée, Molly. Viens vite !
- Merveilleux, oui, une chance, soupira la jeune fille. J’arrive.
Molly fit une triste mine. Puis, convaincue soudainement que la chance ne la quitterait plus, elle confondit, sur le moment, aubaine et audace pour attraper la main du jeune américain.
- Venez à la fête ! Je vais vous présenter de vrais irlandais !
Ebahi, mais curieux, emporté par l’élan énergique de cette main exquise, le jeune professeur suivit sans lâcher prise, traversant plusieurs rues sous les rires enchanteurs de la sylphide.

Deux pintes de Guinness, s’il te plait !
- Tu es trop jeune pour la stout, Molly, répondit le barman
- Allons, Rudy, c’est jour de fête ! Mon oncle vient d’acheter sa parcelle… Je n’en prendrai qu’une… Pas comme le vieux Mac’Ody, qui entame sa cinquième !
Rudy soupira de ne pas résister au charme de la gamine. Il prit un grand verre et le remplit à ras bord de l’amère brune coiffée de blanc qui en témoignage de son excellence doit impérativement garder sa mousse jusqu’à la totale absorption. Rudy posa la première bière sur le comptoir. Pendant qu’il remplissait le deuxième verre, Molly vit derrière lui, un petit placard s’entrouvrir, laissant apparaître tout d’abord la pointe d’une minuscule chaussure noire à boucle. Puis les yeux du leprechaun sous le vert de son chapeau se dévoilèrent, chatoyant comme ceux d’un chat dans la pénombre, tandis qu’il lui donnait discrètement des indications avec son index. La jeune fille obéit et s’éclipsa à l’extérieur pour retrouver le mystérieux personnage. Il était déjà assis sur un tonneau de bière, astiquant l’une de ses chaussures.
- Alors Molly ? Ta journée ? demanda-t-il sans la regarder
- Comme d’habitude ! répondit-elle hautaine, mais sans lâcher des yeux le visage énigmatique
- Vraiment ? Tu n’as rencontré personne ? Tu as toujours le trèfle ?
- Oui, mais il ne m’a pas porté chance comme vous dites !
- Vraiment ? Alors le trèfle va porter chance au professeur de mathématiques qui t’accompagne. Tu le lui as donné avec la dernière jonquille. C’est ainsi.
Molly défit sa ceinture en tissu sans descendre les yeux et tata dans la pénombre la seule douceur du tissu.
- Tiens, voici un triskell en récompense ! cria-t-il en lançant l’objet.
La jeune fille, les traits déconfits, attrapa le nouveau cadeau sans même sourciller.
- Sais-tu, que dans la mythologie celtique, il représente les dieux Lug, Dagda et Ogme ? Il représente aussi la continuité du temps qui passe : passé-présent-avenir ; ou les trois âges de la vie, la jeunesse, l'âge mûr, la vieillesse ou bien encore l'eau, la terre, le feu. Il évoque également le caractère trinitaire de la déesse unique, la fille, la mère et l'épouse. C’est en ce sens que je te le donne. Garde le en souvenir de notre rencontre !
Débordée de curiosité, Molly lorgna, un instant, le triskell. Le leprechaun disparut.

Le présent à la ceinture, la belle rentra à l’intérieur du pub, prit les deux pintes sur le comptoir, et rejoignit le professeur à une table.
- Ou étiez-vous passé ? interrogea-t-il. Joli bijou que vous avez là ! ajouta-t-il à la vue du symbole
- A votre retour en Irlande, Monsieur ! lança-t-elle en pointant le breuvage devant le nez de son compagnon.
Le jeune homme leva son verre à son tour.
- A votre oncle ! A la victoire des irlandais à reconquérir leur terre ! Continua-t-il assez fort
Puis il murmura
- A notre rencontre,….Molly !
- Vous aussi vous connaissez mon prénom ?
- Qui ne connaît pas Molly Malone !
- Et vous ? Comment vous appelez-vous ?
- Je m’appelle Edward Georges De Valera. En gaélique, on dirait Éamonn de Bhailéara. J’aime beaucoup l’intonation gaélique.
- Vous avez raison Monsieur ! Il est impératif que les britanniques cessent de bafouer la culture irlandaise, affirma un inconnu qui passait devant leur table, un verre de whiskey à la main.
Son épaisse moustache, à la mode ces derniers temps, remuait chaque parole prononcée. Il remonta d’un geste rapide ses lunettes sur son nez et s’installa sur une chaise à coté d’eux.
- Je m’appelle Arthur. Arthur Griffith.
Se rapprochant du professeur, il murmura :
- Je suis un adepte de Charles Stewart Parnell, fondateur du "Home Rule", un mouvement pour une rupture entre l'Angleterre et l'Irlande et la scission en Ulster.
Encore plus bas, et après avoir examiné les alentours, il conclu :
- Son adultère, qui a ruiné sa mission, n’est rien d’autre qu’une machination des britanniques !
- Arthur ! cria Rudy, le barman.
Rudy avait la manie de tout entendre et de tout écouter.
- C’est la vérité ! Il faut que ça se sache ! Un jour, l’Irlande appartiendra aux Irlandais, je vous le dis ! reprit Arthur Griffith
- Oui, vous faîtes bien de le dire, Monsieur, mais il faudrait agir surtout, fit remarquer le professeur.
- Vous avez raison. J’y pense mon ami, j’y pense ! Mais voyez-vous, je ne suis pas un révolutionnaire. Pour l’action, il faudrait les troupes de l’Irish Republican Brother. En revanche, moi, j’ai les idées pour une politique nouvelle, le développement d’une économie établie par nous-même, Monsieur. Par nous même ! Sinn Féin !
Il avala une gorgée de whiskey avant de reprendre en ébullition
- Joli nom, n’est ce pas ? Sinn Féin, « Nous même » en gaélique ! C’est génial, il ne faut pas que je l’oublie. Un parti nationaliste et républicain irlandais, pourquoi pas ?
Ses yeux brillaient tant d’excitation qu’ils attiraient par magnétisme féerique.
- Qu’attendez-vous pour le créer Monsieur Griffith ? interrogea le jeune homme, soudainement intéressé.
- Je ne suis pas prêt. Pour être crédible, il me faut un vrai programme, mais j’y pense, j’y pense !
- Intéressant ! Vraiment intéressant ce que vous dites. Si vous créez ce parti, j’en serai le premier membre.
Arthur Griffith fit un mouvement en arrière, surpris de cette promesse.
- Vous, Monsieur ? Rappelez moi votre nom car ce n’est qu’une question de date, je vous le garanti.
- Dorénavant, appelez moi Eamonn ! Eamon de Valera. Je suis professeur de mathématiques…et je crois que je suis en train de tomber amoureux de l’Irlande, ajouta-t-il en souriant à Molly.
- Enchanté !
Quand les deux hommes se serrèrent les mains de manière entendue, Molly en pâlit de jalousie. L’intérêt du professeur ne se portait plus que sur ce personnage aux paroles fanstamagoriques. Un fou ! Un illuminé ! Un ennuyant, un dérangeant ! Il se levait.
L’irlandaise reprit les rennes de la discussion.
- Et New York ? Racontez-moi New York ! Comment est-ce ?
Eamon sembla à nouveau toucher terre.
- New York ? Encombré !
Se rapprochant de la belle flamboyante, il chuchota :
- Mais parlez moi de vous, Molly ! Vous êtes l’Irlande...


Pour information :
Arthur Griffith créé en 1905 un mouvement nationaliste et républicain appelé le "Sinn Féin". Il réclame entre autres la formation d'un parlement national.
Eamon de Valera (né Edward George de Valera, nom en irlandais : Éamonn de Bhailéara) (New York 14 octobre 1882 – Dublin 29 août 1975) est un homme politique irlandais, considéré comme le père de la Nation libre irlandaise. Il a participé à l'insurrection de Pâques en 1916 à Dublin, à la tête du Sinn féin. Il évite l'exécution en raison de sa nationalité américaine mais est déporté dans les prisons de Dartmoor, Maidstone et Lewes. Il fut le troisième président de l'Irlande du 25 juin 1959 au 24 juin 1973.
Il est professeur de mathématiques. Il cultive l'amour du gaélique.

cathy-laure