Destination : 77 , La disparition


Une histoire pas très claire



Il descendit l'escalier en courant et frappa au carreau en disant : « Je te le rapporterai tout à l'heure. »

Elle fit comme si elle n'avait rien entendu, mais elle savait que de toutes façons, cela ne servirait à rien. C'était trop tard, même si lui ne voulait pas le reconnaître. Son optimisme à toute épreuve la fatiguait maintenant, même si c'était justement cela qui l'avait attirée au début. Ça finissait par ressembler à de la naïveté.

Elle alluma la radio pour ne plus y penser, mais derrière la voix du journaliste, elle entendait la sienne qui répétait en leitmotiv: « Je te le rapporterai tout à l'heure, je te le rapporterai tout à l'heure... » Et puis zut, pensa-t-elle, il peut bien me le rapporter après tout, si ça lui fait plaisir. Et elle se surprit à espérer qu'il le rapporterait vraiment.

Une fois dehors, il eut un doute. Il avait pensé que ce serait facile, après tant d'années... Et maintenant que rien ne le retenait plus, il ne savait plus s'il en avait encore envie. Il décida d'aller boire un café pour retarder le moment du choix. Sa mère pourrait-elle comprendre ce changement subit, alors qu'il l'avait habituée à le voir toujours agir de façon raisonnée et conséquente ? Il en doutait, mais après tout, de quel droit pourrait-elle le juger après tout ce qui s'était passé l'été dernier? Monique le soutiendrait, elle qui avait avait su rester en marge, qui s'était effacée alors qu 'elle était peut-être celle qui avait le plus souffert de l'absence de Raoul. Chère Monique ! Il se promit d'aller la voir, et de tout lui avouer...

La gare d'Angoulême était bondée. Jeanne pensa d'abord qu'elle s'était trompée d'heure, puis se rappela que l'on était mardi. Elle frissonna sur le quai malgré le timide soleil de printemps qui traversait la verrière.

Et tout à coup, elle le vit, tout seul, l'air perdu dans la foule. Il avait maigri. Elle lui fit un signe de la main et il parut hésiter avant de la reconnaître. Était-il possible qu'elle ait tant changé depuis son départ ?

« Monique n'est pas venue avec toi ? » demanda-t-il en montant dans la voiture.

« Non, elle dormait encore lorsque tu as appelé. » Et jetant un coup d’œil au paquet qu'il tenait sur ses genoux, elle ajouta: «  Tu ne le lui as pas encore apporté ? »

« En fait, j'avais l'intention de te le donner, à toi .. »

« A moi ? » Elle avait l'air surprise.

« Évidemment, à toi. Ce serait tout à fait normal. »

« Mais je n'en veux pas ! Pense un peu à Monique ! Comment pourrais-tu lui expliquer ça ? »

« Tu pourrais lui dire que Raoul me l'avait demandé ! »

« Non, je préfère que tu le lui apportes toi-même. »

Ils n'échangèrent plus une parole jusqu'au manoir.

Lorsqu'il fut en face de Monique, il oublia toutes les paroles qu'il avait préparées depuis si longtemps. Tout lui revint subitement en mémoire, et il comprit qu'il s'était trompé, ce jour du mois d'avril, trois ans en arrière quasi jour pour jour.

Il ne lui dirait rien, il repartirait comme il était venu et elle penserait à une simple visite de politesse.

Il retourna à pied à la gare en coupant à travers champs, après avoir déposé le paquet sur le siège arrière de la voiture. Jeanne le trouverait là et elle comprendrait.

En arrivant à Paris, il eut pour la première fois l'impression de rentrer chez lui. Il frappa au carreau.

« Je t'attendais, dit-elle d'une voix neutre, comme si rien ne s'était passé. Tu l'as rapporté ? »

« Non, je crois que nous n'en aurons plus besoin. » Et il l'embrassa.

Brigitte B