Destination : 77 , La disparition


DISPARITION

Tu es partie dans la nuit de mes cinq ans,
Subitement,
Dans un accident.

Sous les crissements affolées des roues,
Le lapin t’a enlevé d’un coup
Et a effacé toute trace de vie
Sur ton visage endormi.

Des flocons de tristesse,
Puis des couches de silences
Ont refroidi ton ivresse,
Tes sourires, ton parfum dense.

Ton visage doucement s’est effacé
Dans le brouillard de nos mémoires écorchées.

J’ai voulu plonger pour te rejoindre
Dans ton beau paradis d’éternité
Que de belles histoires nous faisaient miroiter,
Que l’horizon du livre Religion laissait poindre.

La voix paternelle m’a retenue d’une main.
Je n’ai pas pu glisser sur ton chemin.

La terre a recouvert mes cris d’amour
Pour toi, mais déjà
Des fleurs, une belle pierre et une croix
Ont scellé ta porte tombale en non-retour.

Les petites et grandes joies de la vie,
Bercées par une enfance ravie,
Ont comblé le trou noir de ton absence
Dans le creux de nos ventres,
Camouflant nos angoisses mouvantes.

Ton âme a erré au-dessus de nos corps trop petits
Pour les quitter si vite.
Ton souffle a effleuré nos rêves épris
D’une imagination de suites

A la maison tout est resté à sa place :
Les grosses fleurs de la tapisserie au mur,
Le grand lit dans la chambre parentale,
Les tableaux d’ange, les gravures provençales.

Mais un violent coup de mistral
A emporté ton odeur, d’un râle.
Les cigales et grillons stridents
Ont effacé l’écho de ta voix, maman.
Les histoires de nos pas sans toi sur l’escalier
Ont recouvert les traces de tes pieds

Non, tu ne nous as pas abandonné !
Tu es partie contrainte et forcée,
Laissant en douleur un mari aimant
Et quatre beaux enfants
Qui t’aimaient tant !

La vie a repris le cours de son fleuve,
Laissant ta belle rivière tarie sur ses rives
Se fossiliser en vain.
Nos rires ont succédé aux pleurs,
Laissant de ta source une empreinte chaude d’amour vivre
A la fleur de nos peaux et caresser nos lendemains incertains.

Sabine