Destination : 194 , Plus vrai que nature


Guérison

Mais pourquoi avais-je dit à Margaret : Pour vous je ferais n'importe quoi !



Ma mère aurait répliqué : William vous faites encore le fanfaron !

Non mère j'aime follement Margaret et je ne sais comment lui prouver. Vous le savez bien mère les femmes sont si compliquées.



Margaret m'a alors regardé avec un soudain intérêt. Son regard était pétillant, étoilé. Un regard de jeune fille tout juste sortie de l'enfance.

Elle a souri lentement, avec hésitation, puis a éclaté de rire.

Je l'ai fait rire, mère, rire pour la première fois. J'étais si heureux que je me suis mis à rire aussi, par contagion, sans calcul, presque nerveusement.



"Vraiment William je peux tout vous demander ?"

J'ai pris ses menottes dans mes larges mains, je l'ai regardée ardemment et j'ai répondu de toute mon âme : oui !

Tout en enroulant une mèche de ses cheveux autour de son index elle a susurré :

"Je voudrais que vous vous mettiez tout nu"

J'ai rougi violemment, j'ai lâché ses mains mais je n'ai pas détourné mon regard : Vraiment Margaret ? mais vous savez je ne possède pas une constitution remarquable. J'ai quelque peu grossi depuis Noël et ma peau est aussi blanche que l'aube sur la Snowdonia, puis j'ai poussé un rire sec, court et angoissé.

J'ai brusquement pensé qu'elle voulait peut-être aussi se déshabiller, que ce serait amusant de courir ainsi le vent sur notre corps offert ! de se rouler dans l'herbe ! Un bref instant je pourrai effleurer sa peau velours, fruit d'été, avec la paume de ma main, sans la déranger.

"Allez ! tout nu et vite !"

Elle devenait sérieuse, sévère.

Elle avait repris la lecture de son roman, tant disque, derrière un bosquet de rhododendrons roses je me dévêtais maladroitement.

J'ai crié : Voilà c'est fait ! mais ce ne serait ni éduqué ni charitable de me regarder.

Elle a ordonné : "Voyez-vous la barque plus bas ? Montez dedans et détachez la."

Seigneur ! j'ai peur de l'eau. Je ne l'ai jamais avoué. Je sais à peine nager. Vraiment Margaret vous voulez cela ?

"Courage William, vous avez dit que vous feriez n'importe quoi pour moi. Prouvez-le ! Ou je penserai que vous n'êtes qu'un pitoyable fanfaron comme le disait votre mère".



Elle a encore ri d'un rire puissant, si éclatant que l'air l'a prolongé, l'a amplifié. Tout s'est mis à rire autour de moi, les fleurs, les oiseaux, les arbres, la vaste pelouse, la maison victorienne. Moi, je me suis rétréci. Je me suis cristallisé. J'étais devenu un cube de glace en sautant dans la barque, la barque de son père.



Mrs HASFORD posa délicatement sa tasse de thé et questionna Margaret qui lisait : "Mais où est William il est presque l'heure de dîner ?"

"Il s'est mis nu et a emprunté la barque de père" répondit Margaret sans lever le nez de son livre.

"Comme il est extravagant !" soupira Mrs HASFORD "Quand je pense que je songeais à en faire ton mari".



La barque dérive, le soleil disparait peu à peu dans une brume violette. Pas de rame. Je pourrais me servir de mes mains. A quoi bon. Laissons faire le destin. De toute façon je suis guéri de mon amour pour Margaret et cela mérite bien tous les désagréments du monde.



Fin



EVELYNE W