Destination : 22 , Expliquez le monde


dest. 22 : Expliquez le monde - Une histoire en or



Il a suffit d'un mail… très pertinent d'ailleurs, car son côté pétillant a eu le don de réveiller ma créativité ! Merci, Nadia !

Destination 22 bis Expliquez le monde.





Une histoire en or….



Cela se passait il y a longtemps, très longtemps. Non pas au temps de La Renaissance ou du Moyen-Age, mais des milliers d'années avant.

Et ce n'était pas dans nos contrées. C'était bien loin d'ici, quelque part en Éthiopie, dans la vallée de l'Omo.

Dans la nuit des temps, nos consœurs piquaient régulièrement des colères féroces. Elles en avaient assez du côté aventureux de leurs hommes atteints de bougeottes gargantuesques. Elle en avaient assez de monter et démonter leur maison, de faire et défaire les bagages, d'installer et remballer leurs affaires comme les commerçant ambulants de nos marchés . Elles en avaient assez de trimballer marmaille et casseroles, quand ce n'était pas encore avec un ventre énorme. Et pensez-vous, ils n'avaient pas encore inventé la roue, ces machos balourds!



Les femmes se rassemblaient régulièrement autour d'un feu ouvert et se mettaient à rêver de de confort et de sédentarité. Par des attaques répétitives et des sous-entendus permanents, elles finirent par obtenir gain de cause. Les hommes durent accepter les faits : les inconvénients du nomadisme absolu étaient majoritaires par rapport aux avantages. Ils étaient maintenant convaincus : ils pouvaient envisager de quitter le statut de nomade sans être enchaînés pour autant. Ils pouvaient continuer de pratiquer leur sport préféré, la chasse. Ils sont devenus auto-entrepreneurs, spécialisés en semailles et cueillettes. Et ce fut pour la plus grande joie de la gente féminine. Leur intérieur gagna en confort et en espaces. Une nouvelle ère venait de naître et n'aurait de cesse de bonifier.

La tribu vécut ainsi des semaines dans un ravissement continuel. Mais, comme les cigales et les fourmis purent le constater à leur tour, beaucoup plus tard, les femmes se rendirent compte des difficultés et des rigueurs de la vie, une fois que la bise fut venue.



Parmi les femmes de la tribu, trois sœurs. Elles se réunirent sur le pas de leur porte alors que le soleil était au plus haut. Elles tinrent conseil.

- Puisque nous avons gagné le pari de ne plus nous déplacer, nous devons aujourd'hui faire preuve d'imagination pour garder toutes nos ressources en attendant les prochaines récoltes. Mettons-nous au défi de trouver des idées originales de conservation de denrées !



Elles retournèrent chacune en leur demeure. Assises devant la cheminée, elles méditaient, au grand dam de la marmaille qui réclamait le couvert à grands cris. Déléguant leurs pouvoirs culinaires à leurs époux respectifs, elles continuèrent leur réflexion.



L'aînée, Nougatine, gourmande à souhait, trouva une idée qui lui parut géniale. Elle ne tarda pas un seul instant. Elle pria son homme de lui apporter quelques grandes poteries. Elle y rangea soigneusement des fruits et des graines de toutes sortes et versa par dessus tout le miel de sa réserve.

Elle ne le savait pas encore, mais elle venait d'inventer le muesli !



Pour sa plus grande fierté, elle vit sa famille se régaler de sa trouvaille. Mais la médaille révéla vite son revers. La nourriture, divinement délicieuse, s'épuisa avant que l'été ne revienne. Faudrait-il se résigner à faire régime ? Son orgueil en prit un coup de massue. Alors, elle fouilla la maison et les annexes. Elle trouva quelques bananes qui s'étaient desséchées au soleil. Elle les récupéra, les concassa en menu morceaux croustillants.

Ça non plus, elle ne le savait pas encore, mais elle venait d'inventer les chips de bananes.



Tout à sa joie de l'aisance retrouvée, elle invita ses sœurs pour une pause-grignote et leur fit goûter sa dernière trouvaille. Elles apprécièrent et suggérèrent, en accompagnement, une boisson relevée aux herbes fines et épices.



A elles trois, elles inventèrent un instant magique qu'elles appelèrent « A péritif », mot synthétisant « aqua- herbe- fine-épice et périphérie ».



A son tour, Greta la seconde, remuante comme un diable, trouva une idée. N'étant pas de nature patiente, elle voulait quelque chose qui aille vite, très vite. Elle pria son mari de lui apporter trois poteries. Elle jeta dans l'une, des olives, dans l'autre, des grappes de raisin et, dans la troisième, des feuilles de légumes. Elle tassa de son mieux mais la tâche s'avéra plus dure à faire qu'à dire. Elle ne fit ni une ni deux. Elle se hissa sur la pointe de pieds et enjamba la poterie. Elle plongea allégrement ses gambettes et piétina en chantant à tue tête.

Elle ne le savait pas, mais elle venait d'inventer l'huile d'olive, le vin et la choucroute !



Bonne vivante, elle convia ses sœurs et leur famille à partager un festin digne d'un Obélix, certes pas encore né et encore moins imaginé !



La troisième, Arielle de son prénom, au caractère quelque peu pointu, veillait particulièrement à sa ligne. Elle trouvait que ses sœurs s'empâtaient depuis leur sédentarité. Des bourrelets disgracieux déformaient les fourrures. Sur ce point, elle ne voulait pas leur ressembler.

Dès lors, elle chercha longtemps une solution pour garder ses provisions et sa ligne.

Elle cherchait l'inspiration au gré de balades nocturnes. Un soir de pleine lune, elle vit un éclat minuscule. Elle se pencha et le saisit entre ses fines mains. Il était blanc et translucide. Elle l'observa longuement et l'admira sous toutes ses facettes. Une véritable petite merveille.

Elle rentra chez elle et le déposa délicatement dans un réticule à secrets. Distraitement, elle passa son pouce sur ses lèvres et…

- Comment … ? s'écria-t-elle ! Comment est-ce possible qu'un objet - non volant et non identifié- soit si beau, qu'il ait des formes et des proportions parfaites et soit d'un goût… d'un goût….d'un goût que je ne peux ni identifier ni qualifier …



Au cours de la nuit, elle fit un rêve et le matin, à son réveil, elle eut un trait de génie….

- La saveur de cette découverte est agréable en quantité infime, se dit-elle. Elle a de la longueur en bouche et ne donne donc pas trop envie d'y revenir…

Elle eut ainsi l'idée de conserver ses denrées dans une écorce garnie de graines connues auxquelles elle ajouterait celles qu'elle venait de découvrir.

Elle fit honneur à ses sœurs en les invitant à un « A péritif » dînatoire.



L'aînée apporta quelques douceurs au miel, jalousement conservés dans la criobox, planquée derrière une peau d'ours.

La seconde apporta de l'huile, du vin et de la choucroute.

La troisième les surprit en leur servant un poisson de rivière cuit sous la braise, en écorce garnie des graines du pays et de celle qu'elle venait….

- Quel délice, quelle délicatesse ! Arielle, tu es une fée. Mais quelle est cette saveur nouvelle donnée au poisson ? Dis-nous ton secret…

Arielle relata son aventure, mais au cours de son récit, elle ne trouva pas de mot pour sa trouvaille. Elle continua à la nommer « celle que je venais... ».



Au cours d'une de ces longues soirées hivernales, alors qu'Arielle racontait pour la centième fois sa découverte, quelqu'un arriva et se présenta comme étant la prêtresse Apocope. Elle écouta le récit attentivement, mais fut perturbée par la répétition des « celle que je venais de découvrir ». Elle prit part à la conversation et suggéra une idée quelque peu piquante.

- Permettez-moi de vous proposer trois lettres en lieu et place de « celle que je... »

- Avec plaisir… proposez, proposez…

- En trois lettres « celle que je venais de ... » ? SEL

- Et …. ?

- Prononcez à voix haute : celle – sel…..

Trois lettres scellèrent le destin des trois sœurs. Pleinement matures, elle ouvrirent une table triplement fléchées.

De trois lieues à la ronde, on venait y déguster le poisson en croûte de sel, accompagné de vin et d'huile d'olives. Bientôt, au menu, on y ajouta une « choucroute de la rivière ».

Vieillissantes mais dopées par le succès, les Trois Sœurs proposèrent, sous l'enseigne « Table et Paillasse » le gîte et le couvert, à la journée, à la semaine, à l'année.

Depuis cette époque mémorable, des caravanes sillonnent les dunes dorées, les unes en quête de découvertes et dépaysements, les autres en transport d'or blanc.



En guise de conclusion, comme le dit si bien mon amoureux :

«  Se non è vero...è ben trovato »



© Danielle M

























Danielle M