Destination : 91 , Traîtres


La Trahison



Puisque ce mot soulève tant de violence,
Puisque, pour nos coeurs, elle est une prison,
Crions. Jetons nos maux.
Déballons nos souffrance.
Agaçons-la.
Irritons-la.
Sauvagement.
Traîtreusement.
Exposons-la aux autres
Cette trahison.
L'immonde caprice de l'existant.
Qu'elle soit leur, ou qu'elle soit nôtre,
Exhibons-la.
Tiraillons-la dans tous les sens.
Jetons-la au tapis.
C'est un combat pour la vie.

Et
Parlons-en !
D'un amour. D'un père. D'un frère. De nous-même.
D'une amie. D'une amante. D'une folie.
Décrivons ce jour d'accablement pour le coeur.
Le jour du bouleversement inattendu.
Car l'erreur était de ne pas s'y attendre.
De se laisser surprendre.

Cette hyène affamée
Vous a jeté à terre
Et vous a dépouillé.
Et, là, aujourd'hui,
On vous parle de trahison.
On vous demande d'en parler.
Et tout ce que vous aviez soigneusement enterré,
Juste là, derrière votre estomac,
Se met tout à coup à gesticuler.
À demander son reste.
À crier vengeance.
La trahison vous a laissé cette bile rancunière.
Cette bile qu'il faut sans cesse ravalée,
Qui brûle le fond de la gorge
Et qui a toujours un mauvais goût amer.

Alors c'est l'occasion d'exploser.
De dire. Dire. Dire et Dire.
Que Lui Que Elle
A fait tellement Ca
Et tellement Ca aussi.
Cette occasion immanquable de se vider.
Pour une fois qu'on vous y invite.
De balancer des noms.
De désigner les coupables.
De dire :
" Regardez, c'est Lui ;
Regardez, c'est Elle "
" Regardez-moi, des années après,
Comme je souffre encore.
Regardez un peu ce qu'ils m'ont fait."

Mais ne me demandez pas si je les ai laissés faire

Caroline Brouillard